L’échec est dans le pré : la double peine du confinement pour les ruraux. (16/11/2020)
Publié par Guy Jovelin le 16 novembre 2020
Le monde d’après, c’est un peu comme le monde d’avant, la pluie en plus. La solidarité en moins.
On nous avait prédit l’avènement d’une France chaleureuse, fraternelle, retournant à la campagne comme Perrette à son pot. Il n’en est rien.
Les bobos ont mis en berne leur projet d’installation au vert et se sont rués sur Amazon pour affronter la saison 2 du repli social.
Laissés sur place comme on abandonne ses valises quand il faut s’enfuir, les ruraux peuvent bien scruter le ciel à l’affût d’une fibre interstellaire, la France abandonnée des réseaux est toujours un angle mort de la politique des périphéries qui, comme son nom l’indique, ne connaît pas le vert.
C’est que le confinement a besoin de réseau. Pas de réseau, pas de boulot, pas de bachot. Alors que le ministre Jean-Michel Blanquer appelle à un retour des lycéens à la maison et la reprise des cours en « distant-ciel », revient comme un cheval au galop la question de l’égalité face au numérique. De plateau en plateau, les mêmes « observateurs » tournent pour nous dire qu’à l’évidence, avoir un ordinateur, des parents instruits et une douillette chambre avec vue sur la tour Eiffel sont des facteurs de réussite. Vous l’avez compris, l’urgence est d’équiper les jeunes de banlieues en arme informatique. Il faut dire, aussi, qu’à coups de mortier et de guérillas urbaines, ils ont toujours eu l’art et la manière de développer des arguments de poids pour débloquer des fonds publics.
À l’instar de leurs parents sans histoires ni Histoire, les jeunes ruraux sont, eux, tout simplement invisibles, inaudibles, puisqu’on ne leur tend jamais un micro. Il faut croire que les vastes plaines de la Brie font moins de « vues » qu’une cité en flammes.
Le citadin est ainsi, il aime se faire peur à deux pas de chez lui. Au fond, le vert l’ennuie.
Qui craindra donc la révolte de ces jeunes ruraux, que 50 ans de politiques de la ville ont fait passer dans l’angle mort des politiques publiques et à laquelle le « e-confinement » ne laisse aucune chance ?
On arrosera plutôt les quartiers de doudous informatiques parce qu’il faut bien assurer l’égalité des chances. Pour enfumer le quidam, on agitera le chiffon rouge de la suppression des allocations familiales si le petit passe encore à la télé en train de renverser une voiture de police.
Laissons là les 25 % de jeunes Français qui vivent à la campagne : ils peuvent continuer d’invoquer le dieu Numerus pour décrocher le réseau comme on décroche la Lune et rêver d’égalité des chances. Le monde d’après est un mort-vivant qui a choisi de l’ignorer. Tant qu’il ne vire pas au jaune.
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