De Jacques Sapir, dans Valeurs Actuelles, à propos d’Alexandre Douguine :
[…] On prétend, voire affirme, que [le père de Daria Douguine] est l’éminence grise de Poutine, un père Joseph, un Raspoutine. Rien de tout cela n’est vrai. Alexandre Douguine est un représentant de ce courant d’idées russe, le slavophilisme, mâtiné de restes staliniens. Ses tentatives pour créer un parti “national-bolchevique”, puis “eurasien” n’ont mobilisé que des cénacles très réduits. Il n’a pas eu de réelle influence politique, se satisfaisant d’une position marginale et n’intéressa que des politiciens de second ordre. Il devait occuper le poste de directeur du département de sociologie des relations internationales à l’université de Moscou, mais ses positions le firent rapidement exclure de ce poste en 2015.
Douguine a influencé les cercles nationalistes russes, mais son aura ne s’étend guère au-delà. L’image de l’homme qui murmurait à l’oreille de Poutine relève de la mythologie complotiste, hélas reprise par nombre de journalistes qui sont pourtant les premiers à la condamner. Cette image flatte aussi les imaginaires, à droite comme à gauche. Cela ne la rend pas plus réaliste pour autant. Non seulement Douguine est en contradiction avec le projet modernisateur que poursuit Poutine depuis 2000, mais ses visions apocalyptiques sont à l’opposé de la pratique froide, rationnelle et méthodique de la politique et de la diplomatie russes. La politique russe est faite par des gens comme Sergueï Lavrov ou Sergueï Choïgou, pas par Alexandre Douguine.