Renaud Nattiez, ex-diplomate, est administrateur de l’association “Les amis de Hergé”. Il a publié plusieurs essais consacrés à Tintin ainsi qu’à Brassens. Provocateur, le titre de son nouveau livre rappelle que Tintin ne laisse pas indifférent. Adulé par les inconditionnels, il est violemment attaqué, voire mis au pilori par ceux qui le considèrent trop lisse, démodé, réactionnaire, voire pire encore.
Pourtant, avec 260 millions d’albums vendus dans le monde, le succès du petit reporter dépasse très largement les frontières belge, française et européenne. Près de 50 ans après la publication du dernier récit achevé (Tintin et les Picaros), plus de 2 millions d’albums sont encore vendus chaque année.
On notera également que plus de 600 livres ont été consacrés à Hergé et son œuvre, dont 200 au cours de la dernière décennie.
La magie de Tintin opère dès le plus jeune âge, avant même de savoir lire, lorsque, petit enfant, on s’émerveille devant les dessins d’Hergé. Combien d’adultes n’ont-ils pas conservé en mémoire une scène des aventures de Tintin qui s’est imprimée à tout jamais dans leur mémoire ? Renaud Nattiez en est convaincu, pour apprécier Tintin, il faut l’avoir lu enfant pour la première fois. La lecture qu’en fera le primo-lecteur adulte ne sera jamais la même que celle des lecteurs de toujours, qui ont grandi avec Tintin. Découvrir pour la première fois Tintin à quarante ans, c’est généralement démarrer la lecture avec un regard critique idéologique dépourvu de tout reste d’âme d’enfant.
Cependant, puisque ceux qui blâment Tintin, voire souhaiteraient sa censure, se font régulièrement entendre, Renaud Nattiez a décidé d’examiner chacun des motifs de critique. Il remonte d’ailleurs le temps et vient rappeler que la censure obligea naguère Hergé de supprimer des images jugées par certains choquantes du Crabe aux pinces d’or montrant le capitaine Haddock en train de boire de l’alcool à la bouteille.
Nattiez passe donc en revue les arguments les plus variés des détracteurs de Tintin. Tintin n’est pas en mesure de séduire les adeptes des super-héros à l’américaine. Tintin serait désincarné, daté, trop fade, trop sage et donc ennuyeux. Tintin serait de droite, anti-écologiste, sexiste, misogyne, individualiste à l’excès, anticommuniste primaire, colonialiste, raciste et antisémite. Au début des années 2000, quelqu’un a même relevé que, dans Le Crabe aux pinces d’or, une quinzaine des 35 jurons du capitaine Haddock étaient également présents dans Bagatelle pour un massacre, le pamphlet de Louis-Ferdinand Céline.
L’hystérie wokiste est telle qu’à l’automne 2021, dans la province de l’Ontario, le Conseil scolaire a décidé de brûler un certain nombre de BD dont Tintin en Amérique, album accusé de véhiculer “un langage inacceptable, des informations erronées, une représentation négative et fautive des peuples autochtones”.
Au final, les critiques sont de nature idéologique, anachroniques, et passent à côté du talent incontesté de Hergé qui s’adressait aux enfants avec un graphisme génial et des scénarios à couper le souffle qui continuent de nous faire rêver.
Ce livre souligne que Tintin ne se montre jamais esclave de son corps ou de ses pulsions. Ses motivations sont essentiellement morales. Tintin agit pour contribuer au triomphe du Bien sur le Mal. Il aspire à un idéal élevé. On retrouve-là la valeur suprême de la “pensée boy-scout” de Hergé. Tintin est un héros vertueux, généreux, altruiste, courageux, persévérant et plein de compassion.
Et si les exégètes ont recensé plus de 220 jurons dans le langage du capitaine Haddock, on n’y trouvera aucune grossièreté, pas de référence scatologique ou sexuelle. Il n’y a pas la moindre trace de vulgarité dans les aventures de Tintin.
Les aventures de Tintin sont désormais considérées comme un “classique”, à l’image des grandes œuvres littéraires. Elles résistent au temps, comme le démontre la stabilité des ventes d’albums de par le monde. Tintin ne connaîtra plus de nouvelles aventures mais il est devenu un mythe.
Faut-il brûler Tintin ?, Renaud Nattiez, éditions 1000 sabords, 219 pages, 20 euros
A commander en ligne sur le site de l’éditeur
Source : medias-presse.info