Là où il y a la guerre, il y a Bernard Henri-Levy. C’est un théorème, une règle politique obligatoire, qui ne sera caduque qu’à la mort du personnage. Et la guerre qui aujourd’hui accapare toute l’attention sur elle, c’est bien évidemment celle du covid, non, pas cette fois, bien qu’elle fasse tout pour revenir sur le devant de la scène, cette chienne. Plus sérieusement, on parle bien évidemment de l’Ukraine. Tout le monde n’en peut, personne n’y comprend rien, et pourtant, à chaque événement dans cette guerre, tout le monde devient expert de l’Ukraine. Récemment, les Russes ont réussi à prendre la ville industrielle de « lyssytchansk », un lieu dont personne n’en avait rien à faire jusqu’à hier. Personne ne savait que ça existait, mais aujourd’hui c’est différent, elle est sur le devant de la scène, alors tout le monde en parle ! Enfin, Dieu merci, moi je l’écris parce que je ne sais même pas comment on prononce le nom du bled. Bref, vous vous doutez bien que si toute la presse en parle, Twitter ne s’est pas privé de nous faire part de ses meilleures analyses géopolitiques, et c’est là où le maître absolu du tweet géopolitique puant fait son entrée, j’ai nommé BHL.
Et il a fait fort encore une fois, en nous comparant la résistance du Lyssytchansk à la bataille des Thermopyles. Une comparaison stupide, comme si l’Ukraine soutenu par tout l’occident était dans la même situation que 300 Spartiates seuls face à plusieurs dizaines voire centaines de milliers de Perses surexcités. Bon, ensuite évidemment, on peut dire que le bataillon de néo nazis « Azov » est effectivement représentatif d’un certain esprit spartiate, mais j’avoue que je ne m’attendais pas à voir BHL soutenir le nazisme…
De toute manière, si vous souhaitez perdre des neurones, je vous conseille d’aller regarder son compte Twitter. Il n’y a que des pépites, c’est fascinant. Comme, lorsqu’il nous explique que l’armée russe est lâche parce qu’elle bombarde ses adversaires. Bienvenue au XXIe siècle monsieur Levy, cela fait un siècle que la guerre à changer dû à certains progrès technologiques comme par exemple l’aviation. C’est quand même bizarre que BHL ne soit pas au courant de ces progrès, alors qu’il avait fort peu de scrupules et de critique à faire sur l’aviation, à l’époque de la Libye, lorsqu’elle permettait de bombarder cette dernière. Cependant, en 2018, au micro de France Inter, il nous expliquait que la guerre en Libye, « c’était tant mieux si j’y suis pour quelque chose » donc peut-être que les bombardements ce n’est pas si grave, s’ils sont là pour sauvegarder la belle démocratie si chère à ses yeux.
Néanmoins, cette nostalgie des Thermopyles, ce dégoût des bombardements (sauf ceux qui l’arrangent bien entendu), sont finalement un raisonnement simple et clair : BHL n’aime pas la guerre moderne. Et on ne peut que le comprendre ! Les parties de caches-caches urbaines durant des mois, les armes de destructions massives, mais quelle emmerde… On a perdu le peu d’humanité qu’on pouvait trouver dans la guerre, maintenant, on extermine son adversaire à distance en pilotant un drone à des milliers de kilomètres. Alors qu’on pourrait régler ça une bonne fois pour toutes à grand coup de masse d’armes sur un champ de bataille comme à la belle époque, c’est vrai qu’on ait sur une forme d’humanité un peu sous-développée, je veux bien le reconnaître, mais au moins c’est direct, franc…
En-tout-cas, on n’aura rarement vu une propagande aussi peu fine, et aussi matraquée que celle que BHL nous fait sur son compte Twitter, on pourrait presque croire que le compte est parodique.
Par Tanguy Letty L’incorrect
Arrêt sur info — 03 juillet 2022
L’attente a duré, plus que prévu. Au greffe, ce mercredi, où Me Julien Kahn, l’avocat de Blast retenu par le procès des attentats du 13 novembre avait délégué une collaboratrice, il a fallu patienter. Une trentaine de minutes longues comme l’éternité dues à une panne informatique, avant que la nouvelle ne tombe.
La 17ème chambre du tribunal de Paris, compétente pour les affaires de presse, déboute Bernard Henry-Lévy. En cause un article mis en ligne sur notre site le 29 avril 2021, intitulé « Qatar Connection : les documents qui visent Carla Bruni Sarkozy, BHL et Laurent Platini ». Après sa parution, le 3 mai, le philosophe avait assigné Blast et son directeur de publication, Denis Robert. Il demandait à la justice de les condamner solidairement à 100 000 euros de dommages et intérêts. Par ailleurs, il réclamait le retrait de l’article, sous astreinte.
Crédit photo: Wikipedia
Bernard Henry-Lévy considérait notamment comme « gravement » attentatoire à son honneur et sa considération nos révélations sur un courrier du ministre qatari des Finances. Un document signé le 25 octobre 2011. Dans celui-ci, le ministre informait le directeur du Trésor de l’émirat « qu’un chèque certifié de 40 millions de riyals qataris (environ 9,1 millions d’euros, à la parité actuelle) [devait] être remis à Bernard Henry-Lévy. Sur ordre de l’émir ».
La 17ème chambre, réceptive aux arguments de Blast et de son avocat, n’a pas suivi les demandes du plaignant.
Lors de l’audience tenue le 16 juin, la discussion s’était concentrée sur cette dimension prétendument diffamatoire de notre travail, que nous contestions. « Il sera observé, écrivent les magistrats dans leur jugement, qu’à ce stade aucun fait n’est imputé à Bernard Henry-Lévy autre que l’insinuation qu’il ait pu recevoir de l’argent de la part d’un Etat étranger, dont les relations avec la France et les investissements dans le pays sont notoires ». Dans notre article, nous en étions restés là, puisque rien ne permettait d’affirmer – aucun élément en notre possession à ce stade – que ce versement avait été acté. Par ailleurs, et jusqu’à preuve du contraire, il n’y a rien d’illégal dans le fait de recevoir un chèque d’un Etat étranger, ce que nous avions d’ailleurs soulevé à la barre pour souligner l’irrecevabilité de la plainte.
Une fois les éléments du litige ainsi qualifié, le tribunal se prononce. « Ce fait, s’il est précis, peut-ton lire par ailleurs dans les minutes du jugement, n’est pas contraire à l’honneur et à la considération, notions dont il doit être rappelé qu’elles ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives du demandeur, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse ». Cinglant.
Porte-parole autoproclamé de la rébellion libyenne
Pour fonder leur opinion, les juges se sont également penchés sur le décryptage mettant en perspective la révélation (et la publication) de ce document. S’interrogeant sur les raisons d’une telle prodigalité, Thierry Gadault et Bernard Nicolas, les auteurs, rappelaient que BHL, « porte-parole autoproclamé de la rébellion libyenne », avait à l’époque pesé « de tout son poids pour convaincre le président Sarkozy d’engager la France militairement [en Lybie], sous couvert d’une opération autorisée par l’ONU ». Nous précisions encore, pour tenter de percer le mystère, qu’une « autre version [circulait] dans les milieux du renseignement ». Selon laquelle, « la chute du colonel Kadhafi aurait été imaginée, préparée et organisée par Doha, la capitale du Qatar ». Pour y parvenir, le régime qatari aurait « utilisé les grands pays occidentaux, à commencer par la France, pour mettre son plan à exécution et faire la sale besogne ».
Sarkozy en 2010. Crédit photo Wikipedia
Sur cette analyse qui met en perspective l’existence de cet ordre de paiement officiel et l’action menée par BHL en Lybie, jusqu’à la chute du colonel Kadhafi, le jugement (les minutes…) complète le tableau : « Il est dès lors insinué dans l’article que les prises de position du demandeur [BHL], « en faveur des Droits de l’Homme dans les conflits qui ont marqué la fin du XXème siècle et le début du XXIème siècle », selon les conclusions en demande, « dans la politique de la France d’avantager les rebelles du CNT face aux forces loyalistes et aux autres factions d’opposition » selon les conclusions en défense, auraient eu pour inspiration « ce plan » du Qatar. »
Pas un caractère diffamatoire
Des précisions qui avaient achevé de rendre le plaignant furieux. Mais là encore, la justice refuse de lui donner raison. « Toutefois, s’interroger sur les raisons qui ont poussé Bernard-Henri LEVY à prendre position, en 2011, sur les évènements alors en cours en Libye, qu’il s’agisse de sa judéité, de son désir de protection de la population locale ou de son appui à la politique qatarie, ne constitue pas l’articulation d’un fait précis qui serait susceptible de faire sans difficulté l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité ».
Pour le dire clairement, la presse est parfaitement dans son rôle et son droit, n’en déplaise au patron de la biennommée revue La règle du jeu, quand elle commente les affaires du monde, y compris quand celui-ci s’y invite.
Ce travail de décryptage, note le tribunal, relève « d’une déduction », « voire d’un procès d’intention », « dont la vérité est impossible à prouver ». « Sa pertinence peut être librement débattue » », estiment les juges, mais « il n’appartient pas au tribunal de se prononcer sur la pertinence des opinions, même si elles peuvent légitimement heurter ».
De fait, concluent la décision du jour, « le passage ne présentant pas un caractère diffamatoire, le tribunal déboutera Bernard-Henri LEVY de l’ensemble de ses demandes ».
Pour Bernard Henry-Lévy et son avocat Me Alain Jacubowicz, la gifle est cuisante. Au titre de l’article 700 du code de procédure civile, le premier est par ailleurs condamné à payer 3 000 euros à Blast et à Denis Robert, pour les « frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer pour la défense de leur intérêt ». Un retour à l’envoyeur puisque BHL avait également demandé que lui soit versé encore 15 000 euros, au titre du même article.
* Bernard Henry-Lévy a décidé de faire appel (source : le Monde)
Lire et relire les différents volets de notre enquête sur le Qatar :
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