L'Ukraine, partie visible de la contre-offensive russe (02/08/2022)

Publié par Guy Jovelin le 02 août 2022

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L’Ukraine n’est que la partie visible
de la contre-offensive russe
Nicolas Mirkovic


La guerre russo-ukrainienne continue de faire rage. Pour Nikola
Mirkovic, auteur de L'Amérique Empire (éd. Temporis) et président de
l'association Ouest-Est, il n'y a pas de doute : l'ère de la toute puissance
géopolitique des États-Unis touche à sa fin.
La guerre qui se déroule actuellement en Ukraine n’est pas
l’aboutissement d’une rivalité territoriale entre Russes et Ukrainiens, elle
est le résultat d’une guerre d’attrition économique et politique que les
USA mènent contre la Russie depuis l’implosion de l’URSS. Ce que les
médias dominants n’évoquent pas en revanche est que la contreoffensive russe n’est pas que militaire, elle est également économique
et politique. Ces deux derniers volets du plan de Poutine ont été
largement sous-estimés par le camp atlantiste.


Quand le président démocratiquement élu ukrainien, Viktor
Ianoukovich, préféra signer un partenariat stratégique avec Moscou
plutôt qu’avec l’Union européenne en 2014, l’UE et les USA appuyèrent
un coup d’Etat afin de le remplacer par un président prêt à pactiser
immédiatement avec Bruxelles. À la suite du renversement violent du
président, les russophones du pays se sont soulevés et ont rejeté le
nouveau régime qui a répondu aux manifestants en envoyant l’armée.
La révolte s’est transformée en une guerre civile qui a coûté la vie à plus
de 14 000 personnes jusqu’en février dernier. Les Américains ont profité
de cette situation pour mettre l’Ukraine sous contrôle et la planter
comme un coin entre la Russie et l’Europe de l’Ouest. Le Pentagone et
l’OTAN n’ont pas perdu une minute pour former et cuirasser l’armée de
Kiev contre les Russes. L’ex-porte-parole de la défense US John Kirby a
avoué récemment que pendant ces huit dernières années les USA «
préparaient l’armée ukrainienne à la guerre. » Le membre du Congrès
américain Seth Moulton, lui, dit : « Nous sommes fondamentalement en
guerre, bien que par procuration, avec la Russie et il est important que
nous gagnions. » Les Ukrainiens servent malheureusement de chair à
canon dans la stratégie de Washington d’affaiblissement de la Russie.
Pour le professeur de science politique américain John Mearsheimer : «
(…) les Etats-Unis sont le responsable principal de la crise en Ukraine. »


En contre-attaquant au Donbass, le président russe Vladimir Poutine
veut donc régler le problème des russophons ostracisés d’Ukraine et,
par la même occasion, s’assurer que Kiev ne devienne plus un
protectorat US. Mais la principale cible du Kremlin n’est pas l’Ukraine,
c’est le responsable de cette situation : Washington. En parallèle de la
guerre, la Russie déploie donc une stratégie économique et politique
internationale d’envergure que les atlantistes n’ont pas vu venir.


Si en effet les pays membres de l’OTAN ont réagi presque comme un
seul homme derrière Joe Biden pour armer et financer Volodymyr
Zelensky à Kiev, ce ne fut pas le cas du « reste du monde. » Au contraire,
la très grande majorité des pays de la planète n’a pas appliqué de
sanctions contre la Russie qui, elle, cherche à bâtir une alternative à
l’ordre mondial américain. Ainsi la Russie renforce ses relations avec les
BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – 41% de la
population mondiale) qui pourraient attirer bientôt de nouveaux pays
comme l’Iran, l’Argentine, l’Arabie Saoudite, l’Egypte et la Turquie. Avec
l’Inde, l’Iran et de nombreux pays d’Asie centrale et du Caucase, la
Russie construit l’International North South Transport Corridor (INSTC)
qui relie le nord de l’Europe à la mer d’Arabie et la porte de Bombay.
Avec la Chine, la Russie bâtit le Northern Sea Route qui va court-circuiter
le canal de Suez et rapprocher le corridor maritime d’Asie de l’Est à
l’Europe du Nord de 11 200 à 6 500 milles nautiques. Au sein de ces
alliances la Russie dédollarise les transactions, c’est-à-dire qu’elle
accepte les paiements en monnaies nationales à la place du dollar, ce
qui représente un coup terrible contre l’économie américaine dont le
dollar est un des principaux piliers. Moins le monde échange en dollars,
plus les Américains perdront le « privilège exorbitant » de leur monnaie
qu’ils peuvent imprimer quasiment à volonté.


Les US ne sont plus la superpuissance de la fin des années 1990.
Aujourd’hui la société américaine s’est appauvrie, elle est fragmentée,
divisée et Moscou le sait. Les US ont atteint un taux d’inflation officiel
de 9% en juillet et sont endettés à hauteur de 30.000 milliards de dollars.
Washington intime l’Inde de bloquer des navires russes et l’Arabie
Saoudite de produire plus de pétrole mais reçoit des fins de non-recevoir
cinglantes. Le « reste du monde » n’obéit plus au doigt et à l’œil à l’Oncle
Sam. Pendant que l’euro passe sous le dollar pour la première fois en 20
ans et que l’Allemagne enregistre son premier déficit commercial en 30
ans, la Russie signe de nouveaux contrats en Asie, en Afrique et en
Amérique du Sud. Tandis que l’Europe entrevoit la récession, la Russie,
elle, annonce des excédents commerciaux. Les sanctions atlantistes
contre la Russie font plus de mal à l’UE qu’à la Russie. Le président
brésilien Jair Bolsonaro est clair : « les barrières américaines et
européennes contre la Russie n’ont pas marché. » Le premier ministre
hongrois, Viktor Orbán, quant à lui, dit : « (…) je pensais que nous nous
tirions une balle dans le pied, mais maintenant, il semble que l’économie
européenne se soit tiré une balle dans les poumons et suffoque. » Les
États-Unis et l’Union européenne pensaient qu’ils allaient « provoquer
l’effondrement de l’économie russe », pour reprendre l’expression du
ministre français de l’économie Bruno Le Maire, mais c’est le contraire
qui est en train de se produire. Début juillet, La Tribune titrait : «
Electricité : les prix risquent de tripler cet hiver » L’alignement politique
de Paris sur Bruxelles et Washington va nous coûter très cher.


Le véritable objectif de la Russie est l’affaiblissement du modèle
mondialiste états-unien. Pour Vladimir Poutine : « Ceci est le
commencement de la transition de l’égocentrisme libéral mondialiste
américain vers un monde multipolaire. Un monde qui ne repose pas sur
des règles égoïstes inventées dans le seul but de poursuivre
l’hégémonie; ni sur des doubles standards hypocrites, mais sur la base
du droit international et de la souveraineté des peuples et des
civilisations. Sur leur désir de vivre leurs destinés historiques avec leurs
valeurs et traditions et coopérer sur les bases de la démocratie, de la
justice et de l’égalité. » Moscou étend son influence au sein du « reste
du monde » qui ne veut plus de la domination, de l’hypocrisie et de
l’ingérence des atlantistes. L’Université de Brown a démontré que les
guerres américaines ont coûté la vie de presque un million de personnes
depuis 2001. Washington a toujours menti pour déclencher ces guerres
sans aucun respect du droit international ni de la souveraineté des
nations. Tant que la force était du côté états-unien, le « reste du monde
» s’est tu mais maintenant qu’il y a un semblant d’équilibre des forces,
les volontés se libèrent. À la suite de la Russie, des États se lèvent contre
la tutelle économique et militaire de Washington mais aussi contre sa
propagande woke issue de la cancel culture que les US et les capitales
européennes et anglo-saxonnes veulent imposer à la planète. Le rejet
du « reste du monde » est économique, politique et culturel.


Face à cette fébrilité, les US et leurs satellites de l’OTAN sont face à un
dilemme historique : avouer leur affaiblissement et reconnaître qu’une
alternative à leur ordre mondial est en train de prendre forme, ou bien
tenter le tout pour le tout dans un affrontement militaire qui risque
d’être mondial et nucléaire. N’oublions pas que les USA ont relancé leur
économie deux fois grâce aux deux dernières guerres mondiales. Joe
Biden ne contrôle quasiment rien dans la Maison Blanche et le risque
que l’Etat profond belliciste des États-Unis le pousse à un affrontement
militaire n’est pas à prendre à la légère. Le problème cette fois-ci est
que des concurrents des Américains ont des armes nucléaires et des
vecteurs hypersoniques que les US ne maîtrisent pas encore. Espérons
donc que les Américains aiment leurs enfants plus qu’ils n’aiment leur
Empire.


Quant à la Russie, la France a eu tort de la sous-estimer. L’heure est donc
venue de retrouver la voie diplomatique et le chemin de la paix. La place
de la France doit être parmi les grandes nations souveraines et
indépendantes de toute tutelle. Le modèle atlantiste a vécu, il est urgent
de tourner la page.


Source : site Front populaire 

10:41 | Tags : contre-offensive russe, ukraine | Lien permanent | Commentaires (0)