Chaque fois que Macron va en Afrique, on attend quelque catastrophe. Et elle arrive.
Hélas, il y va souvent.
La semaine dernière, il est allé au Congo Kinshasa, au Congo Brazzaville et au Gabon.
On croit savoir pourquoi au Congo Kinshasa : les Congolais avaient peu apprécié les relations incestueuses que Macron avait instaurées au début de sa présidence avec Paul Kagame, le dictateur du Rwanda, responsable de 4 millions de morts sur le territoire du Congo depuis 1977 et du pillage de ses ressources du Kivu.
Macron est allé jusqu’à tendre la joue gauche au nom de la France quand Kagame accusait, sans le moindre fondement comme l’a montré une décision de justice récente, l’armée française de crimes contre l’humanité dans l’opération Turquoise (juin-septembre 1994), opération pacifique parrainée par l’ONU.
Longtemps, les Congolais n’ont rien dit, ne serait-ce que parce que leur président Laurent Kabila, installé par Kagame, était sous la tutelle de ce dernier.
Avec le nouveau président Felix Tshisekedi, les Congolais commencent à se réveiller. Et dans ce pays où la France était plutôt bien vue, ils n’étaient pas contents de ces accointances.
Alors que Kagame se remet à envahir le Congo du Nord-Est, ce sentiment s’exaspère.
Macron s’est d’abord fixé le but de le calmer.
C’est mal parti. Une nouvelle fois, il leur a fait la leçon avec morgue : « Depuis 1994, vous n’avez jamais été capables de restaurer la souveraineté ni militaire ni sécuritaire ni administrative de votre pays. C’est une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur. »
Ce disant, il oublie les innombrables interventions étrangères dans le Congo Kinshasa, dont celles de Kagame, qu’il a tant choyé.
Il y a quelque temps, il avait sans doute été chargé par Washington de remettre dans le rang les Africains qui n’avaient pas voulu condamner les Russes à l’ONU.
Il n’a rien trouvé de mieux que de les traiter collectivement de « lâches ». Comme si, sous tous les continents, le courage était d’être pro-occidental.
Et c’est toujours comme cela que se passent ses voyages. Au début de son mandat, reprenant les poncifs de café de commerce, il avait appelé au Burkina Faso les Africains à réduire leur natalité : ingérence indiscrète et ignorance que la natalité était déjà en baisse en Afrique.
L’ignorance, les mauvaises manières et surtout la personnalité narcissique et méprisante de l’intéressé sont violemment rejetées.
Les repentances à répétition (encore récemment au Cameroun) n’améliorent pas les choses.
Sous ces latitudes, on sait qu’un homme, un vrai, ne passe pas son temps à s’humilier.
Les Africains dénoncent le néo-colonialisme mais, en réalité, ce qu’ils détestent chez nous, ce sont les évolutions libertaires de type woke, spécialement la théorie du genre et tout ce qui en découle.
Nous les dégoûtons et ils nous méprisent ; ils pensent que nous sommes des décadents.
Outre ces faits de base, les griefs sont aujourd’hui variables d’un pays à l’autre.
Notre présence militaire a été jugée trop lourde au Mali et pas assez en Centrafrique.
Nous n’avions aucun problème avec Kinshasa avant notre absurde collusion avec Kigali.
Les autres pouvoirs occidentaux ne sont pas en reste, surtout ceux (États-Unis, Union européenne) qui ont voulu sous ces latitudes jouer les missionnaires LGBT.
Le voyage au Congo-Brazza était de routine.
On ne pouvait pas faire une visite au Congo ex-belge sans aller au Congo ex-français.
Le présidant Denis Sassou Nguesso, venu au pouvoir pour la première fois en 1997, avait au début flirté avec le communisme mais est devenu ensuite notre meilleur appui dans la région.
Pareil pour le Bénin.
Des puissances comme la Russie et la Chine lassent vite sous les tropiques et les pays qui se sont laissés séduire se tourneront probablement, un jour, à nouveau vers nous.
Macron visite aussi le Gabon. Belle récompense pour un pays, ex-fleuron de l’Afrique équatoriale française, qui vient de rejoindre le Commonwealth.
Si le représentant de la France avait eu quelque dignité, il l’aurait battu froid.
Pour que la France soit à nouveau admise en Afrique, il faut qu’elle offre vite un nouveau visage. Et pour que, en attendant, nos relations ne s’aggravent pas, par pitié que celui dont nous parlons n’y remette plus les pieds !
Roland Hureaux, essayiste