Publié par Guy de Laferrière le 10 février 2023
La nouvelle campagne de publicité de la Sécurité routière a de quoi laisser pantois. Forte d'incontestables statistiques selon lesquelles 80 % des victimes d'accidents de la route sont des hommes, l'officine gouvernementale a logiquement dû en déduire que la « masculinité toxique » était à l'origine des comportements dangereux. Ce ne sont donc pas les comportements au volant qu'il faut éduquer, ce sont les hommes qu'il faut déconstruire. Limpide. Le choix du tout dernier spot télévisuel de prévention s'est donc attelé à ce symbole d'un patriarcat fantasmé : la voiture, ou plutôt à ce symbole d'un « voituriarcat » fantasmé : le patriarche.
La scène est dans une maternité. Une femme donne naissance à un bébé qui est, la voix off nous l'apprend, un garçon. Son père le prend dans les bras, et c'est évidemment un très beau spectacle, comme tous les accouchements qui se passent bien. Bon, le papa barbu a des boucles d'oreille et il est tatoué comme un mur de WC sur une aire d'autoroute, mais franchement, ce n'est pas si important, se dit-on. Un slam gnangnan, avec des rimes de mirliton et une musique minimale, nous fait partager ce qui passe par la tête du père. Au début, c'est bien. Le père parle à son fils. On voit à peine le visage de la mère. Rapidement, un plan de coupe montre le même nourrisson, dans la même salle, dans les bras d'un autre homme (un autre papa ?), barbu lui aussi mais plus âgé, et portant des lunettes. Doit-on en déduire que ce bébé est né par GPA au profit d'un couple d'hommes ? C'est interdit en France, au passage, mais poursuivons.
Parmi les nombreux conseils que le papa (appelons-le n° 1) donne à son fils, il y a « Peins-toi les ongles, dessine-toi sur le corps »... pourvu que tu sois heureux, ou à peu de chose près. Le spot s'achève sur le papa n° 1 s'éloignant dans le couloir de la maternité, son fils dans les bras, et la « chanson » qui s'achève sur ces mots : « Deux hommes meilleurs sont nés aujourd'hui. » S'il n'y avait pas le message de la Sécurité routière, on ne saurait pas trop ce qui est promu, dans ce spot publicitaire. Heureusement, ainsi, on comprend mieux. Explication de texte : si les hommes ont plus d'accidents, c'est à cause de l'injonction à la masculinité toxique, qui leur dit de rouler vite pour être de vrais hommes. Quand on se « peint les ongles », bref, quand on déconstruit les stéréotypes sociaux de genre, pour parler la langue woke, on a moins de risques d'avoir un accident. Deux hommes meilleurs sont nés, car papa n° 1 va faire attention sur la route, puisque son dernier enfant (achat ?) est né aujourd'hui, tandis que le bébé, qui a la chance de naître dans un monde moderne (et dans un couple homosexuel ?), sera prudent parce qu'il n'aura pas à prouver sa virilité sur la route.
Où la Sécurité routière a-t-elle pris que, dans l'opinion commune, il fallait faire n'importe quoi au volant pour être considéré comme un homme, un vrai ? Un bon père de famille ne fait-il pas plutôt attention - parfois exagérément - à la route et à la sécurité ? Un homme qui, même sans enfants, aime sa femme ou sa petite amie tient-il absolument à multiplier les freins à main et les dépassements abusifs pour lui montrer qu'il est solide ? On voit bien que c'est, en fait, du camp wokiste, dont on se désole au passage qu'il soit subventionné par le contribuable, que viennent les véritables stéréotypes. De plus - mais ce débat nous emmènerait loin -, ce ne sont peut-être pas, statistiquement, les mâles blancs qui ont le plus de comportements à risque au volant (cannabis, go fast, excès de vitesse, rodéos, mariage, course-poursuite...). Demandez à votre agent de police le plus proche. Enfin, statistiquement toujours, si les femmes ont moins d'accidents, ne serait-ce pas parce qu'elles prennent moins le volant ? Ou alors y aurait-il des vertus de prudence, de vigilance et de modération systématiquement présentes chez les femmes ? Ce serait sexiste ? Non, pas quand on essentialise les femmes pour leur attribuer toutes les qualités, apparemment.
Tous les moyens sont décidément bons pour promouvoir, fût-ce d'une manière presque parodique, l'anti-morale et l'anti-culture. Ce ne sont donc pas les gens qui doivent se comporter correctement en général : ce sont les hommes, et eux seuls, parce que tout le mal vient d'eux, qui doivent désapprendre à être des hommes, puisqu'il est bien connu que vitesse au volant et masculinité sont indissociables l'une de l'autre. Les Français, branchés H24 sur le téléviseur qui leur vomit à la face, savent-ils encore faire la part des choses ? Rien n'est moins sûr.
Il serait par ailleurs intéressant de demander aux femmes si ce sont des hommes aux ongles peints, élevés par deux papas, qu'elles cherchent à rencontrer pour fonder une famille. Comment ? Que dites-vous ? Elles ne veulent plus de famille ? Ah, dans ce cas, le problème est réglé. Hommes déconstruits et femmes sans désir pourront donc, demain, continuer à tourner en rond, en dessous des limites de vitesse, sur le morne carrousel de leur vie en deux dimensions. Pour la France qui fume des clopes et roule au diesel, pour reprendre l'une des nombreuses punchlines du sympathique et honnête Olivier Véran, ce n'est plus seulement une question de carburant, c'est carrément une question de conduite. Merci à la Sécurité routière de creuser un peu plus le sillon de notre sécession mentale d'avec ce pouvoir central absurde et cette propagande.
Arnaud Florac
Source : http://bvoltaire.fr