Publié par Guy de Laferrière le 07 juin 2023
Yves Coppens doit se retourner dans sa tombe : plusieurs aménagements brutaux ont été réalisés, cet hiver et au printemps, aux abords des alignements de menhirs de Carnac, dénaturant ce site mondialement connu. La course au classement Patrimoine mondial de l’Unesco enivre les élus locaux, soucieux des retombées économiques indirectes plus que de la préservation des sites. Au risque de commettre de nombreuses bévues !
La dernière en date : un permis de construire délivré par le maire de Carnac pour la construction d’un magasin Mr Bricolage, détruisant trente-neuf menhirs figurant sur la liste indicative Unesco.
Un dossier de candidature au Patrimoine mondial de l’Unesco sera remis fin septembre au ministère de la Culture et éventuellement fin janvier 2024 à l’ICOMOS pour instruction. Il concerne 397 mégalithes des rives de Carnac et du Morbihan, répartis sur 27 communes. Il est porté par l’association Paysages de Mégalithes.
Les élus de ce secteur, le département, le CMN se pressent ainsi de construire ou d’aménager à tout va car « après, avec l’Unesco, ce ne sera pas possible ».
[…] […]Contacté, le maire de Carnac, Olivier Lepick indique ne pas avoir été au courant que la zone était référencée, et renvoie vers la Drac. « Le permis de construire est accordé par la mairie et les services de l’État, indique celui qui est également président de Paysages des mégalithes, qui porte le dossier de candidature au patrimoine mondial de l’Unesco. Nous sommes extrêmement attentifs à ce genre de choses, nous regardons les zones de pré-inscription archéologique. Dans ce dossier, de notre côté, nous avons respecté scrupuleusement la législation. »
L’affaire semble en effet complexe. Selon la mairie, la Drac avait placé le site en zone de prescription dans l’ancien Plan d’occupation des sols (POS). Mais pas dans l’actuel Plan local d’urbanisme (PLU).
De son côté, le gérant de la SAS, Stéphane Doriel, veut, lui montrer « sa bonne foi » : « J’ai déposé un permis de construire, qui a été instruit, affiché, qui a purgé les délais de recours. Aucun service, aucun document ne nous a jamais avertis d’une prescription, explique-t-il. Je ne suis pas archéologue, je ne connais pas les menhirs ; des murets, il y en existe partout. Si on avait su cela, on aurait fait autrement, évidemment ! » Le précédent permis de construire avait été refusé, selon lui, non à cause de ces menhirs, mais pour une problématique de zone humide. La Drac n’a pas pu être contactée, en ce début de semaine.
« La loi est formelle : toute destruction d’un site archéologique est passible d’une lourde amende », rappelle Christian Obeltz. Qui avait déjà alerté la Drac en 2013 sur un permis de construire délivré à l’emplacement du tertre de Lann Granvillarec, un petit tumulus, figurant lui aussi sur les sites mégalithiques retenus dans le projet de classement à l’Unesco. À l’époque, les travaux avaient été arrêtés. La maison avait été déplacée.
[…]Les petits menhirs du Chemin de Montauban constituaient sans doute l’un des ensembles de stèles les plus anciens de la commune de Carnac, à en juger par les datations Carbone 14 obtenues en 2010 sur le site voisin de la Z.A de Montauban : 5480-5320 avant J.-C., soit la datation la plus haute obtenue pour un menhir dans l’ouest de la France !
[…]Ce site, même modeste, illustrait ainsi la structuration du territoire dès le Néolithique, une période aujourd’hui considérée par les chercheurs comme l’aube de l’Histoire, 4500 avant les Gaulois et l’Empire Romain. Les files de Montauban, par leur orientation, ont déterminé des limites de parcellaires qui étaient toujours actuelles… jusqu’en 2023 et l’arrivée de Mr Bricolage !
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