Publié par Guy de Laferrière le 15 avril 2023
François Ruffin, l’électron libre de La France insoumise, n’est pas méchant homme. Et c’est même avec une naïveté touchante qu’il affirme, ce 13 avril, sur BFM TV, à propos de la réforme des retraites : « Les gens avaient besoin d’amour. » Emmanuel Macron aurait dû leur parler « avec tendresse », estime-t-il. C’est le même François Ruffin qui, accompagné par notre confrère Pascal Eysseric, patron de la revue Éléments, lors de la dernière Fête de L’Humanité, lui dédicace en ces termes son dernier essai Je vous écris du front de la Somme (Éditions Les Liens qui libèrent) : « Pour Pascal, et pour qu’à la fin, c’est les gentils qui gagnent. »
Mais la gentillesse est-elle une vertu, en politique ? C’est d’abord une vertu tout court : on parlait jadis de « gentilshommes » et cela n’avait rien de railleur ou de méprisant, bien au contraire. Ce n’est pourtant pas la qualité qu’on attend en premier chez un homme ou une femme politique. Un exemple ? Marine Le Pen. En privé, c’est la plus charmante des dames : elle confesse, d'ailleurs, apprécier le même François Ruffin pour sa courtoisie et avoir adoré son film, Merci patron !. En public, c’est évidemment une tout autre affaire, ses adversaires et concurrents en savent quelque chose.
Dans les colonnes de la revue Éléments plus haut citée, elle affirme : « Il nous revient à nous, patriotes, qui sommes en quelque sorte les nouveaux tribuns de la plèbe, de pouvoir faire entendre la voix des sans-voix, la parole étouffée et méprisée de ces millions de Français, anonymes et silencieux, honnêtes et travailleurs, qui, en réalité, font battre le cœur productif et créatif du pays. » Là, est-elle gentille ou méchante ? Non. Elle fait simplement preuve d’empathie vis-à-vis des plus humbles de nos compatriotes. Tout comme François Ruffin qui, de l’autre côté de la barricade, met souvent à mal la ligne de son propre parti, plus enclin à célébrer les minorités sexuelles et sociétales. Bref, les deux aiment manifestement le peuple, cette forme de « gentillesse » en valant bien une autre.
À l’évidence, deux personnes ne se sont pas trompées sur la personnalité de ce trublion : Laurent Gerra et Jean-Luc Mélenchon. Le premier, lors de la matinale de RTL, le dépeint en « gentil » garçon, poli et aimable - ce qu’il est. Le second est évidemment plus retors, qui vient de l’adouber, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2027. La Méluche n’est, bien sûr, pas un parangon de « gentillesse », mais au moins a-t-il un sens politique. En bon trotskiste, les retournements stratégiques ne lui font pas peur.
Il a vu l’impasse où commencent à le conduire ces rapprochements hasardeux entre carpe et lapin : islamo-gauchisme et gaucho-féminisme. Selon le bréviaire marxiste, les contradictions ne valent que si l’on parvient à les surmonter, ce qui, d’un strict point de vue factuel, n’est pas faux. Mais dans le cas de la NUPES, elles deviennent de plus en plus insurmontables : le parti doit godiller entre néo-féministes parties à la chasse au mâle et salafistes pour lesquels la place des femmes est aux fourneaux et celle des homosexuels en enfer. D’où le recours à François Ruffin, personnalité assez consensuelle pour ne pas trop faire peur à la droite et à la gauche, pas plus qu’il ne saurait effrayer la France d’en haut ni la France d’en bas. Il est probable que le potentiel électoral de 21 % que lui donnent les sondeurs a dû aider à la réflexion.
Seulement voilà, François Ruffin a beau être « gentil », il n’est pas nigaud pour autant, refusant tout aussi « gentiment » les avances de son ancien mentor : « Qui croit que, dans ce contexte, un petit gars, avec ses deux bras et son cerveau, va venir en super-héros résoudre tout ça ? » Bien vu. Et drôle, avec ça, comme le sont souvent les « gentils » qui peuvent aussi aller loin. C'est sans doute à quoi rêve, sous ses braves airs, ce galopin de François Ruffin…
Nicolas Gauthier
Source : http://bvoltaire.fr