Publié par Guy de Laferrière le 13 avril 2024
A l’approche des élections européennes qui se tiendront au mois de juin, il n’est pas inutile de rappeler l’enquête publiée par la plateforme d’investigation Follow the Money au sujet de l’ampleur des affaires et scandales dans lesquels sont impliqués les députés européens.
Attention, on ne parle pas de broutilles ; cela va du vol de portable à la complicité de meurtre.
« Près d’un quart des 704 parlementaires actuellement en fonction ont été impliqués dans une affaire d’infraction à la loi ou de violation d’un règlement », pointe l’enquête.
Tout le monde se souviendra que la police belge avait arrêté pas moins que l’une des vice-présidentes du Parlement, la social-démocrate Eva Kaili, le 9 décembre 2022.
Le scandale avait fait la une de nombreux médias car plusieurs élus et anciens élus étaient soupçonnés d’avoir été perçus de grosses sommes du Qatar et du Maroc pour défendre les intérêts de ces pays.
Follow the Money a voulu savoir s’il s’agissait d’un fait isolé. Leur rapport répertorie des scandales clairement établis par la couverture médiatique et/ou ayant eu certaines conséquences – telles que des sanctions, des enquêtes ou des réprimandes ainsi que les cas dans lesquels les allégations ont été établies sans aucun doute – par exemple de l’aveu même du député européen – mais n’ont donné lieu à aucune enquête, condamnation ou autre conséquence.
La recherche s’est limitée aux 704 personnes qui étaient membres du Parlement européen à la date du 18 janvier 2024. Les députés européens qui ont quitté le Parlement entre 2019 et aujourd’hui ne sont pas inclus.
Il en ressort 253 affaires qui ont fait la une de l’actualité tant au niveau local qu’international.
Ces scandales ont impliqué au total 163 membres actuels du Parlement, soit près d’un quart des 704 législateurs.. Vingt-trois d’entre eux, soit plus de 3 pour cent, ont été condamnés par un tribunal ou ont reçu des amendes pour des infractions pénales.
Cela s’étend à l’ensemble de l’UE : dans presque tous les pays de l’UE, au moins un, ou plusieurs, législateurs ont été impliqués dans un comportement douteux ou carrément illégal, et les cas varient en termes de gravité.
L’intimidation et le harcèlement sexuel, par exemple, sont notoires à Bruxelles : le collectif de médias a découvert que 37 députés avaient fait la une des journaux pour des comportements indécents présumés dans 46 cas.
Les faits incriminés sont extrêmement variés. On se demande comment, vu leurs importantes rémunérations et indemnités, il s’est trouvé un député européen accusé de vol de portable ! Il y a aussi des affaires de mœurs, d’abus sexuels. L’enquête rapporte également 45 cas de corruption tels que le népotisme, le copinage et le clientélisme – avec 29 scandales, et la corruption pure et simple, avec 16 scandales.
Un exemple ? Sergueï Stanishev, personnalité socialiste et ancien ministre bulgare, a été accusé de corruption.
Lorsqu’il s’est présenté pour la première fois au Parlement en 2014, une société de relations publiques dirigée par son épouse avait remporté un contrat de 60 000 euros auprès du Parlement pour un projet visant à promouvoir les élections européennes en Bulgarie.
Le rapport cite également 44 scandales liés à la fraude et au vol de ressources.
Cinq députés européens sont impliqués des affaires d’emploi fictif d’assistants parlementaires.
Le Trésor espagnol a aussi sanctionné certains députés européens espagnols qui ont tenté d’échapper aux impôts de leur pays d’origine en soumettant leur formulaire d’impôt en Belgique, où le taux d’imposition est plus bas. Certains d’entre eux ont contesté la décision des autorités devant les tribunaux, où ils ont perdu. Trois parmi eux sont d’actuels eurodéputés espagnols.
Le député européen polonais Ryszard Czarnecki s’est fait remarqué pour des remboursements abusifs de frais kilométriques pour des sommes très importantes. Chaque fois qu’il conduisait de Bruxelles à la Pologne, il prolongeait sur papier le voyage de plusieurs centaines de kilomètres. Et l’une des voitures qu’il prétendait avoir utilisé pour ses déplacements de député européen avait pourtant été mise à la ferraille 11 ans plus tôt. Pourtant, il n’a pas été condamné. L’affaire pénale contre Czarnecki est toujours pendante après 4,5 ans.
Bref, ces députés européens qui prétendent nous dicter les règles à suivre sont souvent loin d’être des modèles.
Pierre-Alain Depauw
Source : medias-presse.info