Publié par Guy de Laferrière le 11 mai 2024
Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
Jeudi 9 mai, 21 h 05… Sur « Gulli » - le canal 18 -, j’ai revu avec plaisir le film d’Etienne Chatillez, « Le bonheur est dans le pré », une production datant de 1995. Michel Serrault est le héros de cette savoureuse histoire, celle d’un petit patron poursuivi par le fisc, excédé par les grèves de son personnel, et étouffé par sa femme et sa fille, telles deux pieuvres enserrant leur proie.
À la suite d’un quiproquo volontaire dans une émission de téléréalité, il s’exfiltre dans le Gers, dans une hypothétique autre famille, où il retrouve la paix et rencontre l’amour. Ce faisant, il abandonne son chien - un batard au poil noir appelé « Bamboula » -, son seul véritable ami avec son compagnon de beuveries, interprété par Eddy Mitchell
Imagine-t-on aujourd’hui un film, un roman, une émission de télé, avec la présence appuyée d’un chien au nom si sulfureux, plusieurs fois martelé au cours du film ? C’est à cela que l’on mesure une certaine décadence, une liberté de ton disparue par une autocensure qui nous oblige à être « politiquement correct » sous peine de subir les foudres de Thémis. Tout de suite, les grandes consciences de l’antiracisme monteraient au créneau comme elles l’ont fait à propos de la réédition de Tintin au Congo en Belgique, ce royaume d’outre Quiévrain qui fut la mère patrie de cette lointaine colonie exotique, devenue de nos jours la triste RDC. À la dernière page de l’album, on peut y voir un vieux sage comme seule l’Afrique sait en produire, s’exclamer sous l’arbre à palabres, que « jamais y en verrai Boula-matari comme Tintin ! »…Quant à Banania, la sympathique figure du tirailleur sénégalais qui me fit, étant enfant, immédiatement aimer l’Afrique, elle est passée aux oubliettes !
Dans ces sociétés contemporaines, si promptes à traquer et débusquer toute expression à caractère suspect, peut-on toujours commander « un nègre en chemise » chez le pâtissier - aujourd’hui un « noir et blanc », allez savoir pourquoi ? -, déguster un « petit noir » sur le zinc, et s’enfiler un « petit jaune » au comptoir ou un « citron pressé » ?
Poser la question, c’est pressentir la réponse. Triste époque de petits hommes et femmes gris !