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La ville de Strasbourg prise en étau entre l’État et les Frères Musulmans turcs

Publié par Guy de Laferrière le 20 mars 2023

Dans une région où l’absence de séparation entre les Églises et l’État permet aux collectivités locales de financer la construction de lieux de cultes, la ville de Strasbourg a été obligée de renoncer à une subvention de 2,5 millions d’euros pour la construction d’une mosquée. Ce 20 mars, le conseil municipal doit se pencher sur l’encadrement du soutien aux associations cultuelles.

Tout cela ressemble à une mauvaise pièce de théâtre mais qui fait beaucoup de bruits.

Acte I, en 2014 : la municipalité socialiste de Strasbourg accorde à l’association musulmane turque le Milli Görus un permis de construire pour un projet pharaonique de 35 millions d’euros incluant, à la mode turque, une mosquée, des commerces, une école. Lors de la pose de la première pierre, le 15 octobre 2017, le gotha strasbourgeois se presse autour du préfet, du vice-premier ministre turc Bekir Bozdag, du maire socialiste Alain Ries. Les Turcs étant très présents au sein de l’agglomération, il s’agit alors de faire plaisir à une puissante association de cette immigration dont le siège est à Cologne. Une association politiquement proche du parti de Recep Tayyip Erdogan, l’AKP, et inspirée des frères musulmans.

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Acte III, la demande subvention est examinée au conseil municipal au moment même où le ministre de l’Intérieur fait de la lutte contre l’islam radical sa priorité, mais surtout, au moment où les relations entre la France et la Turquie deviennent particulièrement exécrables. C’est l’époque où la France envoie des navires de guerre et des avions de combats pour soutenir la Grèce contre la Turquie, l’époque où le président Turc, qui a fait ses premières armes en politique auprès du fondateur du Milli Görüs, lance à Emmanuel Macron en 2020 : « ne cherchez pas querelle au peuple Turc, ne cherchez pas querelle à la Turquie. »

Turquie aditionnée à Milli Görüs, tout est en place pour que la situation se tende. La préfète de la région Alsace reçoit instruction de son Ministre de déférer devant le tribunal administratif la décision de subvention votée en mars 2021 par le conseil municipal. Les élus écologistes mis en faute politiquement dans une affaire au retentissement national reprochent alors au ministre de l’Intérieur et à la préfète de ne pas avoir signalé que le Milli Görüs poserait des problèmes particuliers sur le plan de l’ordre public. Et pour cause, le très conservateur Milli Görüs est une des composantes fondatrices du conseil français du culte musulman (CFCM) mis sur pied par Nicolas Sarkozy. Mais de ce CFCM, le ministre de l’Intérieur n’en veut plus. Devant la polémique, le Milli Görüs retire alors sa demande de subvention.

Acte IV, en novembre 2022 : la préfète et les élus d’opposition obtiennent de la part du tribunal administratif l’annulation de la délibération allouant la subvention. La juridiction administrative leur a donné raison en s’appuyant sur des irrégularités de forme, tout en indiquant que la municipalité n’a pas bien justifié du caractère conforme à « l’intérêt général » de cette subvention. Cette dernière remarque dénote une évolution de la jurisprudence administrative qui accompagne une accentuation des contrôles sur le financement des cultes même en régime de droit local (lire l’entretien ci-dessous avec Francis Messner.)

Épilogue en janvier 2023. La ville de Strasbourg abroge la délibération adoptée quelques mois plus tôt et qui encadrait le financement des cultes. La préfecture du Bas-Rhin avait demandé au conseil municipal de rectifier son texte, en raison de plusieurs irrégularités et « pour en renforcer la sécurité juridique. » Mais refusant de s’avouer vaincu, la mère écologiste Jeanne Barseghian compte bien présenter en mars prochain une délibération dans le but de rendre plus clair les conditions de subventionnement des cultes dans ce régime si spécifique de droit local qui seul peut générer ce type de situation. La suite au prochain numéro, ce 20 mars.

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Marianne via fdesouche

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