Publié par Guy de Laferrière le 13 novembre 2022
S’agissant de la sphère privée, on perçoit par différents indicateurs que la moindre motivation est bien présente chez les Français depuis la crise sanitaire: salles de cinéma ayant du mal à faire le plein, boîtes de nuit en berne, associations n’ayant toujours pas retrouvé leurs licenciés et leurs bénévoles d’avant crise… Cette baisse de motivation se mesure par ailleurs objectivement quand on interroge les Françaises et les Français. Depuis la crise sanitaire, 30 % des sondés déclarent être moins motivés qu’avant. C’est encore plus vrai chez les plus jeunes avec 40 % des 25-34 ans indiquant être moins motivés qu’avant (contre seulement 21 % des plus de 65 ans).
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Cette perte de motivation n’est sans doute pas sans lien avec la fatigue accumulée à l’occasion des épreuves occasionnées par la pandémie. En effet d’après notre enquête, 41 % des Français se sentent plus fatigués qu’avant la crise Covid après un effort physique, contre 54 % qui ne ressentent pas de changement et seulement 5 % qui ont la sensation d’être moins fatigués qu’avant suite à un effort physique. Les problèmes physiques de la population et de la jeune génération sont régulièrement documentés depuis plusieurs années maintenant. Ainsi, lorsqu’on compare les résultats à certains tests physiques passés par les adolescents des années 1990 avec ceux passés par les adolescents contemporains, on s’aperçoit que ces derniers ont perdu par exemple un quart de leur capacité pulmonaire en raison du développement de la sédentarité alimentée notamment par les écrans. Conséquence: les jeunes de 2022 mettraient 90 secondes de plus à courir 1600 mètres qu’il y a trente ans.
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La perte de motivation au travail touche davantage les jeunes actifs (46 % des 25-34 ans), mais aussi les cadres (44 %) et les professions intermédiaires (43 %), contre 34 % «seulement» parmi les employés et ouvriers, catégories dont on notera qu’elles sont moins concernées par le télétravail. Les contrastes se font également jour en termes d’affiliation partisane. Quand 61 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle disent être moins motivés qu’avant au travail, ce n’est le cas que pour 28 % des électeurs d’Emmanuel Macron, de 30 % des électorats Zemmour et Pécresse, et de 34 % des lepénistes. Ces résultats sont intéressants, car ils permettent d’éclairer le débat sur la «valeur travail» lancé par Fabien Roussel à la rentrée et les raisons pour lesquelles une partie de la gauche est mal à l’aise, voire critique, à son égard. Sandrine Rousseau a ainsi, par exemple, revendiqué le droit à la paresse cher à Paul Lafargue. Dans le même ordre d’idées, une autre enquête récente de l’Ifop indique d’ailleurs que près de 4 sympathisants LFI ou EELV sur 10 se définissent comme «peu ou pas travailleurs», cette proportion ne s’établissant qu’à environ un quart des sondés dans les autres familles politiques.
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La Grande Flemme : comment la France perd le goût de l’effort