Publié par Guy de Laferrière le 04 janvier 2023
FIGAROVOX/TRIBUNE – La baisse de la natalité aura, sur le long terme, de graves conséquences sur le financement de notre protection sociale et pèsera lourd sur notre croissance économique, alerte le haut fonctionnaire Tristan Claret-Trentelivres.
Dans l’indifférence presque totale des observateurs, la France est entrée en crise démographique. En octobre 2022, le nombre des naissances a été inférieur de 10 % à celui d’octobre 2021, cette baisse brutale confirmant des chiffres déjà en nette diminution au mois de septembre. S’il est trop tôt pour savoir s’il s’agit d’une baisse durable ou d’un simple point bas, cette chute inquiétante ne constitue pas, tant s’en faut, un coup de tonnerre dans un ciel serein. Depuis 2015, l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF), qui mesure le nombre d’enfants moyen par femme, ne cesse de diminuer, lentement mais sûrement. De 2,0 en 2015, il était de 1,83 en 2021, désormais loin du taux de remplacement de 2,1, permettant de stabiliser la population hors flux migratoires.
(…) Cas d’école trop peu discutés en France, certains pays développés font face à un véritable effondrement démographique qui pourrait même mettre en cause, à horizon d’un siècle, leur existence nationale. En Corée du Sud, cas extrême de dénatalité où l’ICF atteint 0,8 enfant par femme, chaque génération est appelée en l’absence de rebond à être presque trois fois moins nombreuse que la précédente ce qui, par dynamique exponentielle, conduirait à une division par 27 en l’espace de seulement trois générations, c’est-à-dire une vie d’homme. Bien plus proche de nous, l’Espagne et l’Italie avec un ICF respectivement de 1,19 et 1,25 en 2021, font également face à un véritable mur démographique.
Même sans effondrement, le déclin démographique accélère le vieillissement de la population, compromettant le financement de la protection sociale et réduisant la croissance potentielle.
Tristan Claret-Trentelivres
(…) Contrairement à un discours parfois entendu, l’immigration ne saurait être considérée comme un palliatif commode à la dénatalité. Au vu de l’ampleur des flux nécessaires à moyen terme pour stabiliser la population, elle devrait être durable et massive, ce qui poserait d’évidents problèmes d’intégration et de cohésion sociale, sauf à considérer les êtres humains comme de simples pions interchangeables. Surtout, les effets de la baisse de la population étant exponentiels, les flux nécessaires pour la compenser le seraient aussi, exigeant toujours plus d’immigration, de nouveaux immigrés toujours plus nombreux étant requis pour «payer la retraite» des immigrés précédents. Tel le Moloch, la France devrait ainsi dévorer toujours davantage la substance démographique d’autres pays plus pauvres pour maintenir la sienne. Une telle dynamique, discutable sur le principe, ne serait de toute évidence pas soutenable dès lors que la chute générale de la natalité, y compris dans les pays en développement, ne laissera d’ici quelques décennies que peu de pays disposant d’importants surplus de population.
(…) Une grande enquête rigoureuse, quantitative et qualitative, pourrait être conduite afin de déterminer la part des différents facteurs limitant le nombre d’enfants des ménages français (prix de l’immobilier, disponibilité des places en crèche, inadaptation des conditions de travail dans les entreprises aux exigences des familles nombreuses, etc.), et tout particulièrement ceux empêchant les couples d’avoir un troisième enfant. En s’appuyant sur ce diagnostic, il appartiendrait alors à nos gouvernants de mettre résolument la politique familiale au service de la relance des naissances. Agissant dans le cadre d’une vision à long terme, garantissant l’avenir même du pays, ils rempliraient ainsi le cœur de la mission de l’État.