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Viré de son école pour avoir demandé : « Est-ce que le massacre de Vendée constitue un génocide ? »

Publié par Guy de Laferrière le 04 mars 2024

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Tribune d’Alexandre Pesey, fondateur de l’Institut de formation politique, dans le JDD :

L’Éducation nationale est décidément d’une remarquable inventivité. Toute autre institution finirait par lasser les colères. Pas elle. En janvier dernier, un lycéen se voit exclure de son établissement public (académie d’Aix-Marseille) pour avoir posé une question de nature historique à son professeur d’histoire. Il fait connaître l’affaire : trois millions de vues sur Twitter, un million sur TikTok, une considérable remontée de témoignages enseignants, et tout se passe comme s’il ne s’était rien passé. Ahurissant, mais emblématique.

Que cette tribune emprunte donc à la fable.

Jules est un bon gars. Application scolaire, courtoisie, belle expression. Sa mère, femme de ménage, l’élève seule. C’est aussi un adolescent attentif aux idées politiques, les siennes portant plutôt à droite, mais qui fait montre d’une certaine maturité militante. Sur les réseaux sociaux, il exprime ses positions, à bon droit, en citoyen lambda. À l’école, il s’en tient au rôle attendu, celui de l’élève.

Alors que son cours d’histoire aborde la notion de génocide, une question lui vient. Une question légitime parce que sincère, une controverse historique et mémorielle qui trouve naturellement place dans le petit espace-temps lycéen du jour. Tout le monde s’entend pour dire que le massacre vendéen fut massif, mais s’agissait-il de réprimer la rébellion ou de procéder à l’élimination systématique de toute une population ? En un mot, était-ce un « génocide » ? À défaut d’apporter ici la réponse, on peut toutefois rappeler que Gracchus Babeuf, figure de la Révolution française, parle à cette occasion de « populicide », de « plébéicide ». On peut aussi observer que cette question éclaire la manière dont s’écrit l’Histoire, la manière dont elle se commémore et, surtout, celle dont on l’enseigne.

En effet, à l’issue du cours, soucieux d’éviter tout scandale, Jules se rend auprès de son professeur : « Ne serait-il pas justifié de parler d’un “génocide vendéen” ? ». À qui d’autre s’adresser en confiance ? L’interlocutrice s’emporte. Elle le menace. Pas d’élèves « comme lui » dans ses cours, pas question. Jules s’est intéressé, véritablement, à son propos, mais Jules est un « négationniste ».

Il est aujourd’hui deux sortes d’élèves. Ceux qui injurient et qui frappent. Et puis ceux, comme Jules, qui se retirent, déçus mais respectueux. En fin de journée, on lui fait savoir qu’il sera entendu par la direction. Rendez-vous auquel la plaignante ne participera d’ailleurs pas, et où le proviseur apposera le sempiternel tampon « fasciste » sur ce front juvénile. C’est presque une fable. Une fable cruelle qui dit, en peu de mots, la mécanique délétère de l’Éducation nationale. Et puis vient la morale…

Jules, qui n’est pas invité à se défendre, écope d’un renvoi temporaire pour « atteinte aux valeurs de la République ». Le jeune homme décide de quitter l’établissement pour achever, solitairement, la préparation de son bac. Mais le mal est fait, car le rapport d’exclusion lui fermera bien des portes dans le supérieur. Jules peinera à se défaire de son crime imaginaire. Pas d’ascenseur social pour celui qui pense mal parce qu’il lit trop. Le « mammouth » s’y oppose de tout son poids.

Aucune question, pourtant, ne porte atteinte à la République. Au contraire. C’est le silence inquiet des atmosphères dictatoriales, qu’il faut craindre. Le respect feint devant la conviction que l’on ne partage pas. Ou que l’on ne comprend pas. Si les enseignants redoutent le déploiement d’idées jugées mauvaises, à supposer que le désir d’instruire soit sincère, il paraît nécessaire de sacraliser l’enceinte du cours. Que les choses soient dites, que les avis soient exposés, discutés, les erreurs corrigées, les tensions levées.

L’histoire de Jules est une fable parce qu’elle est symbolique : Jules dérange parce qu’il est trop tranquille. En France, les élèves contestant effectivement les valeurs de la République sont légion. Des dizaines de milliers. Dans certains quartiers, ils forment l’écrasante majorité de certaines classes. Ceux-là sont cajolés. On les sermonne dans un sourire, on se bouche les oreilles. La République essuie les crachats et pardonne bien volontiers ces bruyants enfantillages.

En fait, l’Éducation nationale est emportée par la force d’inertie. C’est une masse qui dérive sans force contraire. Claude Allègre parlait de mammouth pour en qualifier l’administration, mais la métaphore englobe aussi bien les pesanteurs idéologiques. Il faudrait simplement éviter que le conformisme tourne à la méchanceté.

Si les contours du harcèlement scolaires sont notoirement complexes à tracer, le cas de Jules ne souffre pas l’équivoque. Depuis quelques mois, déjà, Jules faisait les frais d’attitudes militantes moins subtiles que les siennes. Affrontements verbaux, provocations, menaces physiques : une bande d’antifas l’avait repéré, et la direction, par son silence, s’est faite complice des agresseurs… Une fois pris en grippe, de surcroît, par l’équipe pédagogique, c’en était fait du voyou imaginaire. Qu’il dégage. Bon débarras.

Ne pouvant lever la main en classe, il a choisi de se dresser tout entier. Jules est courageux, il est digne, il a le verbe clair. Sa route sera plus belle loin de l’ignoble sectarisme.

L’école publique a d’autres chats à ne pas fouetter.

 

Source : lesalonbeige

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