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artificialisation de nos zones rurales

  • Artificialisation de nos zones rurales: comment en est-on arrivé là ?

    Publié par Guy Jovelin le 17 février 2021

    Le centre commercial "Le Grand chêne" à Auch. ©️ visuel 2012 cabinet SUD ARCHITECTES - Lyon / Grand Auch Agglomération

    « La terre, si pauvre soit-elle, nourrit toujours une famille ». Ô Jacques Sauriol, comme vous aviez raison !

    Silencieuses et ternes aujourd’hui, nos campagnes grouillaient jadis d’une vie paysanne extrêmement riche : cultivateurs, artisans, bâtisseurs, éleveurs. La liste serait beaucoup trop longue et fastidieuse à énumérer, tant les professions locales, ancrées dans un territoire (souvent une commune ou un canton), fleurissaient nos arrière-pays. 

    La fin d’un mode de vie ?

    Mais depuis une cinquantaine d’années, nos cantons gersois voient fleurir, çà et là, des énormités hideuses, inconfortables et terriblement insultantes. Ces blocs de béton, d’acier et de bois, construits à la va-vite aux abords de nos petits bourgs champêtres, défigurent notre pays.

    Des paysans (littéralement « du pays »), notre bien chère Gascogne en regorgeait. L’enracinement à une terre, à une culture, à une langue (certains anciens vous parleront même de « civilisation gasconne » !), ces gens en sont fiers. Pour rien au monde, disent-ils, ils ne la renieraient, ou ne l’oublieraient. Mais qu’en est-il vraiment ? A l’heure où notre préfecture auscitaine fait voter l’accord d’une énième zone périurbaine d’activités dite « économique », un état des lieux s’impose.

    Lieu-dit Naréoux. Une demi-douzaine de maisons flambant neuves, sorties de terre il y a peu, grâce au nouveau plan local d’urbanisme (PLU) rendant ces terres agricoles constructibles. C’est ici que le nouveau projet de Zone d’Activité Économique (ZAE) du Grand Auch sortira de terre, ou plutôt étouffera sous le béton, cette terre, la vraie, celle qui « nourrit une famille, aussi pauvre soit-elle ».

    La modernisation, quoi qu’il en coûte

    La modernité de notre département, avec pour vitrine notre préfecture Auch, pourrait faire pâlir les plus grandes métropoles européennes. Tous les ingrédients d’une déconstruction programmée : pavillons modernes, cité HLM vétuste, zones commerciales ubuesques, grands axes routiers. Pour 21.000 habitants.

    Franck Montaugé, président du Grand Auch, mais surtout socialiste et franc-maçon de son état, en est un des instigateurs éclairés. Traînant comme un fardeau l’étiquette « rural » de son département, ces néolibéraux sauce Trotsky progressiste s’acharnent depuis trop longtemps à détruire notre « païs », nous abreuvant sans cesse de leur génie destructeur.

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    Zones industrielles et commerciales, fast-food, voies rapides, « patrimonialisation » du centre-ville comme d’un vulgaire musée des beaux-arts : le Gers n’échappera pas au diktat américano-soviétique, voulant faire de notre vie paisible un enfer de consommation ragoûtante et docile. Il tombe (s’il n’a pas déjà chu) dans le même brasier ardent que toutes les métropoles et préfectures françaises connaissent déjà depuis longtemps, abreuvées par les subventions européennes nous arguant à suivre la procédure, le plan tracé pour nous.

    Si l’artificialisation des terres arables auscitaines est possible, si elle est votée en assemblée locale, c’est aussi pour deux raisons : d’une part notre désintéressement, notre détachement, puis notre renoncement vis-à-vis des choses de la terre ; d’autre part de notre acceptation volontaire et inassouvie à ces projets, permettant enfin à notre appétit barbare de se donner à son sport favori.

    Se réapproprier la terre

    Non, nous ne sommes plus des paysans, des hommes du pays. Nous nous sommes détachés de ce soit-disant asservissement à la vie rurale, pour vouloir épouser la vie citadine, faire « comme à la grande ville ». Combien de fois aura-t-on entendu ces phrases : « on habite un trou paumé » ; « il n’y a rien à faire ici » ; « on est perdu ici ». Hors de la ville, point de Salut ?

    Notre langage familier nous trahit. S’il n’y avait que ça.

    Nous ne sommes plus enracinés, nous ne vivons plus sur une terre, en épousant ses contours, ses imperfections, ses problématiques, en jouissant de ses quelques bienfaits, ou en profitant de sa riche histoire. En bon bulldozer, nous rasons, écrasons, anéantissons, éliminons toutes les parties nuisibles de notre territoire, de notre passé, de notre localité ou de notre ruralité, pour mieux la faire convenir à notre vie de « rurbain », éternel profiteur insatisfait, profitant allègrement de l’œuvre incroyable qu’ont créés nos anciens, pour se l’approprier et la consumer.

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    Avant de signer la pétition contre le nouveau Centre commercial, avant de prendre part à la diatribe sentimentale sur un de ces réseaux (a)sociaux, regardons notre mode de vie. Regardons notre quotidien d’homo domesticus du XXIe siècle, prompt à vouloir changer le monde, sans toucher un yotta à sa pleutre individualité.

    Boycottons Amazon, McDo, UberEat, Carrefour et Netflix. Réapprenons à cuisiner, à construire de simples choses de ses mains, redécouvrons la lecture, les promenades en forêt, la convivialité d’un repas partagé entre amis ou voisins.

    Ensuite, quittons la ville. Le Gers est un département magnifique, qui ne demande qu’à reprendre sa vitalité. Nos cantons ne sont pas encore noyés par le fléau mondialiste, cosmopolite et tiers-mondiste. Ces îlots de ruralité n’attendent que de recevoir de nouvelles forces vives, afin de transmettre le flambeau encore tiède de leur histoire. Si Rome ne s’est pas faite en un jour, alors ce combat pour le ré-enracinement sera fastidieux, semé d’embûches et de maladresses. Ne soyons pas des vainqueurs du défaitisme : soyons acteurs de notre vie, ici, maintenant, car comme le proclamait Gustave Thibon : « la France a besoin de héros et de Saints, comme la pâte à besoin de levain ». Seul le revirement de notre quotidien vers la cohérence et l’exemplarité sera le moteur de la reconquête intérieure que nous souhaitons de tous nos vœux. 

    Nous sommes une génération blessée au cœur meurtri, mais à jamais idéaliste. 

     

    Romain Bertrand

     

    Source : infos-toulouse