Publié par Guy Jovelin le 17 juin 2025

Israël a frappé l’Iran dans la nuit du 12 au 13 juin et un nouveau conflit s’ouvre au Proche-Orient dont on ne connait pas encore les conséquences mondiales. Derrières les guerres religieuses, se cachent toujours des intérêts économiques et financiers. Celle-ci n’échappe pas à la règle.
Remodeler économiquement le Proche-Orient sous le contrôle israélien
La nouvelle guerre ouverte par Israël contre l’Iran a une dimension indubitablement religieuse, nous dirons même messianique, mais il ne faudrait pas sous-estimer sa raison économique et financière : remodeler le Proche-Orient sous le contrôle israélien.
« L’attaque du 13 juin 2025 contre des sites nucléaires et militaires iraniens et des personnalités clés de l’appareil stratégique – dont le chef d’état-major Mohammad Bagheri – n’est pas seulement un épisode de guerre. Pour Israël, elle s’inscrit dans une stratégie plus vaste et systématique impliquant Gaza, la Cisjordanie, le Liban et maintenant Téhéran. Mais comment interpréter réellement cette escalade ? » se demande le journaliste italien Sergio Filacchioni, dans les colonnes du blog Il Primato Nazionale, et y répond ainsi :
« La guerre ouverte entre Téhéran et Tel-Aviv, déclenchée par les bombardements israéliens de sites nucléaires et de centres névralgiques de la République islamique, n’est pas un affrontement religieux ou idéologique. C’est le début d’une nouvelle phase géopolitique : la fusion définitive entre Israël et les monarchies du Golfe pour la construction d’un axe de pouvoir régional visant à restructurer l’ensemble du Moyen-Orient en fonction d’intérêts énergétiques, militaires et financiers. »
On parle d’un objectif israélien de ‘changement de régime’ en Iran mais « tandis que les armes parlent, les lectures se banalisent : d’un côté, Israël comme « rempart de l’Occident », de l’autre, l’Iran réduit à la caricature d’une « théocratie répressive ». En effet, tandis que les analystes et commentateurs occidentaux s’efforcent de décrire le conflit israélo-iranien comme un énième chapitre d’une lutte millénaire entre musulmans et sionistes, la réalité, bien plus grave et structurée, échappe au radar du récit dominant. Ceux qui parviennent à observer la réalité voient tout autre chose : les anciens ennemis arabes du monde sunnite se sont progressivement transformés en alliés silencieux, mais cruciaux, d’Israël, prêts à partager ses intérêts, ses stratégies, ses infrastructures et ses renseignements. »
Israël-Golfe, l’alliance que personne ne veut voir
« Après les accords d’Abraham, la coopération entre Israël et les Émirats, Bahreïn, l’Arabie saoudite et le Qatar a pris une ampleur sans précédent. Signés en septembre 2020 sous l’égide de l’administration Trump, ces accords ont marqué un tournant formel dans la normalisation des relations entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn. Présentés comme un accord de « paix », ils ont en réalité jeté les bases d’une alliance géopolitique, économique et militaire à vocation anti-iranienne et anti-palestinienne. Plus qu’une réconciliation entre les peuples, ils ont consacré la naissance d’un bloc sunnite-israélien légitimé par Washington et béni par les chancelleries occidentales. De fait, les gouvernements du Golfe ont non seulement tourné le dos à la cause palestinienne, mais ont activement soutenu, financé et facilité la machine de guerre israélienne, même pendant les mois les plus sanglants de la guerre à Gaza. Les échanges commerciaux ont explosé. Bahreïn a légalisé les importations en provenance des colonies israéliennes illégales de Cisjordanie. Des entreprises saoudiennes et émiraties exportent des biens et des matières premières vers Israël, tandis que des fonds souverains du Golfe investissent dans des banques et des entreprises impliquées dans la construction de colonies. Et lorsque le Yémen a bloqué les routes maritimes vers Tel-Aviv, ce sont les et l’Arabie saoudite qui ont créé un corridor terrestre pour assurer l’arrivée des marchandises, en passant par la Jordanie et Israël. »
Le journaliste continue son analyse :
« Mais c’est sur le plan militaire que la coopération est encore plus profonde et inquiétante. »
Et de citer toutes les aides apportées par les monarchies du Golfe à Israël, des Émirats arabes unis au Qatar en passant par l’Arabie saoudite.
« Ce niveau de collaboration va bien au-delà de la « normalisation » : il s’agit d’une coresponsabilité active dans une guerre d’anéantissement. Il est étrange que les manifestations pro-palestiniennes n’aient jamais lieu devant l’ambassade saoudienne. Pourtant, Riyad et les monarchies du Golfe sont des complices actifs du massacre : ils financent Tel-Aviv, collaborent militairement et répriment la dissidence arabe. Mais pour un certain récit woke, le génocide n’est qu’une affaire de Blancs contre les opprimés, la faute de l’OTAN et du réarmement. »
Le cœur du lien entre Israël et les monarchies sunnites réside dans l’énergie et la finance : c’est le projet d’oléoduc Ashkelon-Arabie saoudite
Cette coopération a un objectif :
« Le cœur du lien entre Israël et les monarchies sunnites réside dans l’énergie et la finance. Le projet d’oléoduc Ashkelon-Arabie saoudite, qui fait partie du corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC), traverse également les territoires occupés. (…) Israël est désormais une plaque tournante et un partenaire stratégique des économies du Golfe. Derrière les masques diplomatiques, un hub est en train de se construire, visant à gérer les flux d’énergie, de logistique et de capitaux de l’Asie vers l’Europe, en excluant l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et la cause palestinienne. Une redéfinition du Moyen-Orient menée sous le couvert de Washington, la faiblesse de l’Europe et l’indifférence d’un activisme sélectif et woke, qui feint de ne pas voir l’éléphant saoudien dans la pièce. »
Il ne s’agit donc pas là « d’une guerre entre musulmans et sionistes » :
« Ce n’est pas une bataille entre « démocratie » et « théocratie ». Il s’agit de la création d’un ordre régional dans lequel Tel-Aviv dirige un bloc arabe sunnite doté d’une influence financière, industrielle et militaire. Un bloc qui a pour objectif l’élimination de toute résistance, de toute autonomie chiite, de toute aspiration anti-impérialiste. L’Iran, isolé et épuisé après sa défaite en Syrie, ne lutte pas seulement pour sa propre survie. Qu’il le veuille ou non, il se trouve être le dernier obstacle empêchant le Moyen-Orient de se transformer en une zone de libre-échange israélo-arabe, parrainée par l’Occident, où il n’y a pas de place pour des souverainetés alternatives. Paradoxalement, c’est l’Iran qui se trouve aujourd’hui dans la position de Saddam Hussein : seul contre tous, entouré de puissances hostiles, isolé diplomatiquement et voué – selon les plans de ses ennemis – à tomber pour ouvrir la voie à un nouvel ordre régional. C’est une autre ironie tragique de l’histoire du Moyen-Orient : Téhéran, qui a bénéficié en 2003 de la fin du pouvoir baasiste et de l’intervention américaine en Irak, est aujourd’hui la cible de cette même architecture impérialiste. Aujourd’hui, le « méchant » à abattre n’est plus Saddam, mais la République islamique, coupable de résistance. Le front qui l’assiège – Israël, les monarchies du Golfe, les États-Unis et une bonne partie de l’Occident – est le même qui, au fil du temps, s’est partagé l’Irak, puis la Syrie, et qui aujourd’hui veut boucler la boucle avec l’Iran. »
Israël veut être le cœur opérationnel d’un nouvel ordre régional : un Grand Israël énergétique et commercial
Les bombes qui pleuvent sur Tel-Aviv et Téhéran sont le paravent qui occulte le réel :
« Le véritable séisme est diplomatique et économique : Israël n’est plus un avant-poste solitaire de l’Occident, mais le cœur opérationnel d’un nouvel ordre régional. Et les monarchies du Golfe, loin de dénoncer le « génocide » de Gaza ou la violation de la souveraineté iranienne, sont ses alliées et partenaires stratégiques. L’affrontement en cours n’est pas un nouveau chapitre de la guerre sans fin entre juifs et musulmans. C’est le début de quelque chose de bien plus choquant : la naissance d’un pôle israélo-arabe qui réécrira les équilibres géopolitiques du XXIe siècle. Et dans cette nouvelle architecture du pouvoir, la Palestine est le sacrifice, l’Iran la cible, et l’Europe – une fois de plus – le spectateur désarmé. »
Un Grand Israël énergétique et commercial se dessine avec la complicité, ou du moins le silence, des dirigeants arabes.
Francesca de Villasmundo
Source : medias-presse.info