Publié par Guy de Laferrière le 18 décembre 2022

ENQUÊTE. La viande la plus consommée en France semble en voie de disparition dans les restaurants scolaires de certaines villes. Et non des moindres.
Jambon, rôti, échine, coppa, grattons, lardons, filet mignon… Depuis que les statistiques sur le sujet existent, le porc a toujours été la viande préférée des Français, juste devant la volaille. Apprécié des enfants, bon marché et facile à cuisiner, ses atouts sont évidents. Selon les dernières données de France Agrimer, les Français mangent 87,5 kg de viande par an, dont 32 kg de viande de porc, 30 kg de volaille et 23 kg de bœuf, repas à domicile et restauration hors foyers confondus. Le porc représente ainsi à lui seul un volume égal à tous les produits de la mer consommés dans notre pays (33 kg/an/habitant).
(…) À la rentrée 2013, déjà, l’interprofession porcine Inaporc avait tiré la sonnette d’alarme à la suite d’une série de constats alarmants pour les producteurs. À Lille, le porc avait été absent des menus tout le mois de septembre. À Séméac (Hautes-Pyrénées, 4 900 habitants), il avait été décidé de le retirer totalement du menu pour l’année entière. Au Havre (Seine-Maritime), 8 500 portions de mousse au chocolat avaient été jetées à la poubelle car elles pouvaient contenir de la gélatine de porc. Dans ces deux derniers cas, il n’était plus question de diététique, mais de gestion du fait religieux. Séméac voulait épargner un surcroît de travail à ses cuisiniers, contraint de préparer des plats de substitution quand le porc était au menu. Au Havre, il s’agissait d’éviter que des élèves musulmans en ingurgitent à leur insu, même sous la forme ultra-transformée de mono-diglycérides d’acide gras.
Dix ans ont passé et la situation ne semble pas s’améliorer pour le cochon, pris en tenaille entre la diététique et la religion. « Nous devinons ce qui se passe, commente Anne Richard, directrice d’Inaporc depuis 2021. Bannir le porc est la solution de facilité… » Une solution mise en œuvre à bas bruit. Contactée, la ville de Lille n’a pas donné suite. Impossible de savoir si cette quasi-disparition du porc répond à des demandes de parents d’élèves, si elle les anticipe, ou si elle est dictée par le souci de simplifier le service, lourd à gérer. « On sert 500 couverts, explique un responsable de cuisine scolaire. On doit passer nos commandes des mois à l’avance, faire du circuit court, du bio, varier les plats, penser aux allergènes, calculer les portions au gramme près et peser les restes pour faire la chasse au gaspillage. Comme on a notre fierté, on tient aussi à ce que les élèves apprécient ! Tout cela avec un budget par repas de 7 € environ, dont 2 € de marchandise, le reste passant en frais divers, salaires, énergie, etc. »
Proposer des menus végétariens à la cantine ? Le candidat écologiste Grégory Doucet en avait fait une promesse de campagne sous forme d’option hebdomadaire. Finalement, la formule des menus sans viande deviendra obligatoire pour tous, sans pour autant satisfaire les végans puisque les menus en question proposeront œufs et poisson. Cette mesure a suscité les vertes critiques de l’opposition qui y voit tantôt un mépris des classes populaires, dont les enfants sont ainsi privés de viande, tantôt une menace économique pour la filière viande locale. Alors que le maire de Lyon se cache derrière des motifs fallacieux en justifiant cette mesure autoritaire « pour des raisons sanitaires », le ministre de l’Intérieur, Gérarld Darmanin, a touché du doigt ce qui semble motiver la démarche du Khmer vert lyonnais en dénonçant une « idéologie scandaleuse », sans davantage de précisions sur la nature de ladite idéologie.