Publié par Guy Jovelin le 31 mai 2021
Les Bourses continuent à jouer au yo-yo tout en s’autopersuadant que tout va très bien, que la faible inflation actuelle aux USA n’est que transitoire, comme le prétend la Fed, alors que personne n’en est absolument certain. Elle-même ne sait pas quand elle sera amenée à durcir sa politique monétaire.
Elle pourrait envoyer un signal de révision à la hausse des taux ou de ralentissement de son programme de rachat d’actifs lors de la réunion des 15 et 16 juin ou fin août à Jackson Hole. Sur le marché obligataire, le taux à 10 ans sur les bons du Trésor américain était en baisse, vendredi, à 1,58 %.
En France, la croissance espérée par le gouvernement est toujours de 5 % en 2021 mais, contrairement aux prévisions, elle a été négative de -0,1 % au premier trimestre, après le -1,5 % du 4e trimestre 2020 et une croissance négative de -8 % en 2020. Le gouvernement se prépare à réduire les aides pour l’après-crise sanitaire, mais des goulots d’étranglement pour les recrutements dans le numérique, l’hôtellerie, la restauration, des retards de livraison, des coûts de matières premières, des pénuries de matériaux dans le BTP et, par exemple, le secteur de la plasturgie pourraient enrayer la croissance.
Nous sommes arrivés au moment de la sortie du « quoi qu’il en coûte », nous dit Bruno Le Maire, mais suite aux différentes rallonges, le déficit budgétaire va s’aggraver encore de 47 milliards supplémentaires en 2021 pour passer à 220 milliards d’euros, soit un déficit public, en 2021, de l’ordre de 11 % du PIB et un endettement public encore plus élevé de l’ordre de 120 % du PIB.
Au premier trimestre, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ont connu aussi des contractions d’activité de respectivement -1,8 %, -0,4 %, -0,5 %. Les seules hausses de prix provoquées par les goulots d’étranglement en Europe devraient disparaître progressivement, mais un tsunami structurel d’augmentation des prix pourrait se manifester, suite aux centaines de milliards d’euros des plans de relance dans les divers pays. Il y a également des incertitudes sur la désépargne à venir des ménages et l’augmentation à venir de vitesse de circulation de la monnaie. À la fin du premier trimestre, le taux d’épargne des Français était encore de 22 %.
La BCE nous dit qu’il est trop tôt pour envisager la réduction du rythme des achats de titres obligataires, mais en fait, elle ne peut pas laisser monter les taux ou cesser la création monétaire sans que tout s’effondre. Il est probable, en fait, que les taux bas et la planche à billets tourneront encore à plein régime jusqu’en mars 2022, date de la fin du fameux plan PEPP de 1.850 milliards d’euros, et que l’inflation sera supérieure aux 1,2 % anticipés par la BCE.
Aux États-Unis, les incertitudes sont encore plus grandes, tant pour l’importance des plans de relance de Biden que pour les dates de changement de politique monétaire de la Fed. Biden souhaiterait un budget 2021-2022, à partir de septembre, de 6.000 milliards de dollars, en hausse de 34 % par rapport à 2019, et 1.700 milliards de dollars pour le plan d’infrastructures, tandis que les républicains souhaiteraient le limiter à 928 milliards. L’importance du plan de relance, avec ses conséquences inflationnistes ou non, va donc dépendre de l’issue de la lutte entre les démocrates et les républicains, la majorité de Biden au Sénat américain étant très fragile. Si le montant des dépenses souhaité par Biden était adopté, la dette des États-Unis passerait de 100 %, en 2021, à 117 % du PIB, en 2031.
Quant à la flambée du prix des matières premières, suite aux achats chinois, on ne voit pas pourquoi elle devrait cesser rapidement. Soja, nickel, viande, fer, bois, palladium pour les pots catalytiques : tout augmente. La folle transition énergétique beaucoup trop rapide pourrait faire grimper les besoins nouveaux en métaux stratégiques et monter les prix à la verticale, tout en créant une nouvelle dépendance vis-à-vis de certains pays, la Chine en particulier, en lieu et place du pétrole du Moyen-Orient, avec de nouvelles incertitudes pour l’économie.
En avril-mai 2022 au plus tard, date d’échéance du plan PEPP de la BCE, on y verra alors beaucoup plus clair, mais il n’est pas du tout certain que ce soit pour de bonnes nouvelles, tant pour la croissance économique espérée en Europe ou aux États-Unis que pour les taux d’inflation, les taux d’intérêt, les niveaux d’endettement de certains pays dont la France et l’Italie, que pour l’explosion possible de la zone euro.