Publié par Guy Jovelin le 17 juillet 2025
Synthèse nationale
Tout, ou presque, a déjà été dit et écrit. Aussi la consultation de publications anciennes est-elle toujours instructive et révélatrice ; ne serait-ce que pour prendre la mesure des alertes lancées en pure perte et du temps perdu. L’histoire des cinquante dernières années, en effet, est celle d’une longue suite d’erreurs de jugement, d’aveuglements volontaires, de démissions, de rendez-vous manqués, de décisions remises à plus tard ou à jamais dont la France de 2025 est le résultat…
En mars 1986, dans le numéro 288 du Spectacle du Monde, paru juste avant les élections législatives qui donnèrent la victoire à la droite libérale et décidèrent de la première cohabitation (1986-1988, entre François Mitterrand, président de la République, et Jacques Chirac, Premier ministre), le "chercheur écrivain" Pierre Longone, ancien collaborateur du comte de Paris et de l’Institut national d’études démographiques (INED), signait un article intitulé : « La solidarité a des limites ».
il y rappelait notamment : « La redistribution a pour origine un prélèvement sur la production et le travail des Français. (…) L’État, ou des Caisses "ad hoc", prélèvent sur les particuliers, les entreprises, éventuellement sur des produits (en les taxant), des sommes de plus en plus importantes que l’on redistribue ensuite aux ménages, à divers titres : santé, retraite, aide à la famille, etc. (…) La solidarité est nécessaire. Mais lorsque les prestations dépassent une certaine proportion, non seulement elles engendrent insouciance, gaspillage, irresponsabilité, mais les cotisants n’en supportent plus la charge. (…) Dès lors que des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour demander une réduction de ces prélèvements (impôts, cotisations sociales), il faut admettre une diminution équivalente de la redistribution ».
Toujours plus !
Quarante ans après l’article de Pierre Longone, force est de constater que les gouvernants n’ont toujours pas trouvé les limites de la solidarité évoquées par l’auteur. Il n’ont pas fait d’économies. Ils ont augmenté les prélèvements obligatoires, les dépenses de protection sociale et l’endettement. « Toujours plus ! » semble être la devise en cours. C’est du moins l’impression que l’on peut retirer des quelques données qui suivent…
Selon l’INSEE, de 2010 à 2024, les prélèvements obligatoires ont représenté en moyenne 44% du PIB, contre 41,6% entre 1986 et 1988, soit 2,4 points d’écart.
En 1960, les prestations sociales (santé, retraite, aide à la famille, etc.) représentaient 14,6% du PIB ; en 1984, 27% ; et en 2022, 32,2%, c’est-à-dire un peu plus du double par rapport à 1960 !
En 1984, les prestations sociales au titre de la vieillesse-survie représentaient 8,3% du PIB ; en 1986, Pierre Longone écrivait à leur sujet : « Des projections faites (…) laissent prévoir que la charge approchera 13% du PIB à la fin du siècle». En 2022, 1nous en étions à 14,2% ! Quant aux prestations sociales au titre de la santé, elles sont passées de 8,4% du PIB en 1984 à 12% en 2022.
En 1986, Pierre Longone listait les conséquences économiques de l’ « hypertrophie des transferts sociaux » : la réduction de l’investissement, « la perte de compétitivité de notre économie, sa prise de retard et la nécessité d’une austérité consommatrice, au profit de la reconstruction de l’outil de production et des exportations ».
En 2025, le constat reste inchangé ; la situation s’est même encore aggravée ; et comme aucune mesure sérieuse ne sera prise dans les deux ans qui viennent (voire au-delà), compte tenu des rapports de force au sein de l’Assemblée nationale – et du pays -, on ne peut qu’être inquiet…
Article publié dans le dernier numéro (n°70) de la revue Synthèse nationale. Pour vous procurer ce numéro, cliquez ici.