En visite à nos forces armées basées aux Émirats arabes unis, le Président a pris la mine grave et le menton martial pour annoncer – d’un ton « jupitérien », diront certains – cette grande nouvelle aux Français : « J’ai décidé de doter la France d’un nouveau porte-avions. »
« Être forts pour être craints. » C’est nouveau, ça !
Nous sommes en guerre. Le Président ne cesse de le répéter, sur tous les tons, sur tous les fronts : Covid-19, Ukraine, insécurité, narcotrafic, menace nucléaire, harcèlement scolaire, dérèglement climatique, violences faites aux femmes… Les sujets se bousculent, convergeant vers l’Apocalypse qui nous est promise quotidiennement. C’est donc empreint d’une gravité quasiment angoissante qu’Emmanuel Macron a déclaré à la France et au monde : « À l’heure des prédateurs, nous devons être forts pour être craints, et en particulier forts sur les mers. Voilà pourquoi, conformément aux deux dernières lois de programmation militaire, et après un examen complet et minutieux, j’ai décidé de doter la France d’un nouveau porte-avions. »
C’est tout frais, à l’entendre : « La décision de lancer en réalisation ce très grand programme a été prise cette semaine. » Entre report du Mercosur, cafouillage budgétaire et inflation du mouvement paysan, la nécessité d’être fort s’est donc imposée au chef de l’État.
À ce stade, nous dirons que treize ans pour mettre à l’eau le géant des mers, c’est compréhensible ; mais treize ans pour commencer à enfin envisager de se faire respecter, ça nous paraît long. Très long, même.
« Le plus grand bâtiment de guerre jamais construit en Europe »
Qui peut dire ce que sera la France en 2038, alors qu'elle entamera un troisième mandat post-Macron (élections en 2027, 2032 et 2037) ? Personne, assurément. Pour le nouveau porte-avions, on en sait davantage.
Le projet de ce porte-avions de nouvelle génération (PA-NG) à propulsion nucléaire remonte à 2018 ; il figurait dans les deux dernières lois de programmation militaire et une autorisation d’engagement de 10,2 milliards d’euros a été inscrite dans la loi de finances de 2025. Programme majeur pour la Marine nationale et les forces armées françaises, le PA-NG sera réalisé par Naval Group et les Chantiers de l’Atlantique, « qui ont pour l’occasion créé une société commune, MO Porte-Avions (65 % NG, 35 % CA), ainsi que TechnicAtome pour la partie liée aux chaufferies nucléaires », nous apprend Mer et Marine.
C’est au terme de quatre années d’études et de projets aboutis qu’a été prise la décision d’entrer dans la phase de réalisation de ce porte-avions qu’on qualifie déjà de « plus grand bâtiment de guerre jamais construit en Europe ». Sauf, bien sûr, si l’on considère que la Russie fait partie de la vieille Europe, mais c’est une autre histoire. C’est en effet un monstre des mers qui se profile : 78.000 tonnes à pleine charge, une longueur de 310 mètres pour une largeur maximale de plus de 85 mètres au niveau du pont d’envol (39 mètres à la flottaison), il sera plus proche des porte-avions américains que du Charles-de-Gaulle (261 mètres de long pour 64 maximum de large et 42.500 tonnes). Avec une technologie révolutionnaire, le PA-NG pourra embarquer un équipage de 2.000 hommes, une quarantaine d’avions de combat et une dizaine de drones. Le pont d’envol, doté de catapultes électromagnétiques (EMALS), sera de plus de 17.000 m2, contre 12.000 m2 pour le Charles-de-Gaulle.
Une aubaine pour l’industrie française ?
Ce sont « 800 fournisseurs, dont 80 % de PME », qui seront mobilisés pour la réalisation de ce géant. « Ce nouveau porte-avions sera l’illustration de la puissance de notre nation, puissance de l’industrie, de la technique, puissance au service de la liberté sur les mers et dans les remous du temps », a claironné le chef de l’État .
Le chef de l’État rêve-t-il de voir l’Emmanuel-Macron" sillonner les mers du globe ? Et si, pour une fois, on consultait les Français ? Si l’on prenait cette occasion pour leur rendre la fierté de leur Histoire et un peu de confiance en l’avenir ?
Si tout va bien, le PA-NG prendra la mer en 2038. On a le temps d’y songer…
Source : bvoltaire
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste