Publié par Guy Jovelin le 16 mars 2021
DÉCRYPTAGE – Contrairement à de nombreux secteurs moins médiatisés, le monde du cinéma a bénéficié de 1,2 milliard d’aides de l’État.
Par Enguérand Renault Publié le 14/03/2021 LE FIGARO
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À entendre les cris de désespoir poussés lors de la cérémonie des César, le public a pu être saisi d’effroi: c’est le cinéma qu’on assassine! Mais qu’il se rassure, l’ensemble de la profession – techniciens, artistes, producteurs, distributeurs et même exploitants de salle -, n’a pas trop souffert financièrement de la crise.
Contrairement à de nombreux secteurs qui ne disposent pas de vitrine médiatique pour se plaindre, le monde du cinéma a été très soutenu par les pouvoirs publics. Juste avant la cérémonie, Roselyne Bachelot a rappelé au micro de Canal+, que l’État avait apporté 1,2 milliard d’euros d’aides au cinéma!
Dans le détail, en mai 2020, l’État a annoncé la prolongation des droits à indemnisation chômage pour tous les intermittents du spectacle(cinéma, audiovisuel, spectacle vivant…) jusqu’en août 2021. Une année blanche qui coûte un milliard d’euros aux finances de l’État.
Par ailleurs, le gouvernement et le Centre national de la cinématographie (CNC) ont été attentifs à soutenir tous les rouages du cinéma dès le début de la crise. Au total, entre aides d’urgence et plan de relance, le gouvernement a remis plus de 270 millions d’euros dans la machinerie.
200 films produits en 2020
Il a fallu tout d’abord combler le manque à gagner des taxes perçues par le CNC pour financer la production de films. Le système de l’exception culturelle repose sur un ensemble de taxes perçues sur les entrées en salle, les recettes publicitaires des chaînes de télé et enfin sur le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms. Avec la crise, ces taxes ont baissé de 160 millions d’euros. Pour éviter que ce reflux ne vienne perturber la production de films, l’État a débloqué une aide de 165 millions, dont 60 millions pour renflouer le CNC et 105 millions pour un plan de relance de la filière cinéma.
Loin de souffrir, la production a pu continuer de fonctionner comme si de rien n’était. Alors que les salles obscures sont fermées, la France a encore produit 200 films en 2020. Une absurdité, car entre les films reportés en 2020 et ceux qui doivent sortir en 2021, il va y avoir un sacré embouteillage sur les écrans lorsque les salles rouvriront.
Un problème que devront résoudre les distributeurs. Ils ont avancé beaucoup d’argent pour des films non sortis et ne peuvent plus en mettre dans les films à sortir. Eux aussi ont été soutenus, via l’aide d’urgence de 75 millions débloquée cet été. Enfin, les exploitants de salles bénéficient de 50 millions d’euros via un fonds pour la billetterie et 34 millions via le plan de relance.
L’arrivée des plateformes
La question qui se pose actuellement est: l’État va-t-il renouveler en 2021, les efforts consentis en 2020? Le gouvernement et le CNC se réservent encore du temps pour répondre à la question. Car tout dépendra de trois paramètres. Le premier est de savoir à quelle date rouvriront les salles. Le CNC tablait sur le deuxième semestre 2021 mais il faut composer avec la pandémie. Le deuxième est tout aussi incertain. Canal+ continuera-t-il de soutenir le cinéma?
Aujourd’hui, le groupe est soumis à des obligations et injecte 160 millions d’euros par an dans le pré-achat de films. Mais s’il décide d’abandonner son statut actuel pour celui d’une plateforme comme Netflix, son engagement financier risque d’être divisé par trois ou quatre. Or le rôle de Canal+ est crucial dans la vie d’un film. Car sans sa participation, un film n’a aucune chance d’obtenir de financement des autres partenaires comme les chaînes gratuites, les collectivités locales et les distributeurs.
Troisième inconnue, quelle place les plateformes Netflix ou Disney+ vont-elles prendre dans le financement du cinéma? Netflix, Amazon Prime devraient consacrer 4 % de leur chiffre d’affaires français au financement du cinéma. Pour Disney +, plus orienté septième art, ce pourcentage pourrait être plus élevé. Le CNC estime que les plateformes pourraient injecter en 2021 entre 40 et 50 millions d’euros.
Au final, il est aujourd’hui impossible de savoir quel sera le manque à gagner de la profession en 2021
Au final, il est aujourd’hui impossible de savoir quel sera le manque à gagner de la profession en 2021. Mais la volonté d’aider le cinéma «coûte que coûte», est une décision politique. Et si le cinéma se montre toujours aussi arrogant, l’État pourrait être moins enclin à lui venir en aide.
Source : leblogalupus