Pendant des décennies, la dialectique communiste a traité de « fasciste » toute personne qui n’était pas une adulatrice du « petit père des peuples ».
Peu importait que beaucoup des prétendus « fascistes » aient combattu le fascisme historique ; être anti-communiste (et le communisme international se réservait le droit de définir qui l’était et dans quelles conditions !), c’était être « fasciste ». Quand bien même le fascisme était un socialisme et que, par conséquent, la plupart des gens de droite – principales cibles de cette accusation loufoque – étaient fort réservés sur le fascisme.
Soit dit en passant, il me semble beaucoup moins idiot d’être fasciste que d’être socialiste à la mode contemporaine.
Pour une raison simple : le socialisme peut à la rigueur se comprendre à l’abri des frontières douanières ; il est suicidaire dans un contexte de mondialisation.
Mais revenons à notre dialectique marxiste et à ses insultes. Il est clair que l’accusation de « fascisme » a perdu un peu de sa superbe.
Principalement parce qu’à force d’être utilisée à tort et à travers, plus personne ne croit à une « menace fasciste ».
Cependant, cette vision manichéenne des choses est tout de même bien « pratique », notamment à l’approche des élections.
Après avoir tâtonné, nos petits perroquets de plateaux télévisés ont jeté leur dévolu sur le « complotisme ». Ce serait la dernière menace à la mode sur notre belle démocratie.
Naturellement, vous êtes « complotiste » dès que vous ne croyez pas sur parole notre vénéré président ou le fameux « service public » de l’audiovisuel.
Mais je viens de tomber sur un merveilleux sondage Ifop, intitulé sobrement « Complotisme et contre-vérités scientifiques en France et aux USA : un état des lieux qui interroge et inquiète ».
On y découvre (avec effroi bien sûr !) que « plus d’un tiers des Français adhèrent aux théories du complot ». Bigre !
Seulement, la formule laisse entendre que ce tiers adhère à l’ensemble des théories du complot – et donc, par exemple, au fait que des soucoupes volantes visitent régulièrement la terre, comme au fait que nous n’avons jamais marché sur la lune.
De toute évidence, ce n’est pas cela que veut dire l’étude, puisqu’on y lit par exemple que 9 % des Français croient que les pyramides ont été bâties par des extraterrestres (bien loin du tiers de la population).
Plus étrange encore, sont définies comme théories du complot des théories encore en débat – placées sur le même plan que des idées tout à fait farfelues. Par exemple, affirmer que le réchauffement climatique serait davantage un phénomène naturel qu’un phénomène d’origine humaine serait une « théorie du complot ».
Ou encore croire que l’humanité a été créée serait une théorie du complot – nos sondeurs ignorent sans doute que beaucoup de grandes religions croient en un Dieu créateur (et que cet article de foi ne s’oppose pas nécessairement à l’évolution).
Autrement dit, comme on était naguère « fasciste » dès lors que l’on n’était pas assez enthousiaste pour le grand soir de la révolution prolétarienne, on est aujourd’hui « complotiste » dès que l’on s’interroge sur le rôle du soleil dans le réchauffement climatique (ignorent-ils le rôle du doute dans la démarche scientifique ?) ou que l’on croit en un Dieu créateur (nos pourfendeurs de théorie du complot doivent croire Youri Gagarine qui pensait avoir prouvé l’inexistence de Dieu, ne l’ayant pas rencontré dans son satellite en orbite !).
Décidément, la lutte anti-complotiste ne fait sûrement pas monter le niveau de la raison humaine !