Qui l’eût cru ? Après avoir remporté une victoire éclatante, conclue en 1994, par la prise du Haut-Karabakh et des territoires azéris environnants, l’Arménie a, cette fois, été battue en six semaines par une armée peu réputée pour ses hauts faits d’armes.
Mais en vingt-cinq ans, la tendance a été totalement inversée à cause de la manne pétrolière. Les gisements de pétrole de la mer Caspienne ont fait de Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, un port pétrolier important, source de revenus considérables pour le pays. La population n’a pas beaucoup profité de ces pétrodollars, mais le président Aliyev en a investi une part considérable dans du matériel militaire haut de gamme.
Au pouvoir depuis 2003, succédant à son père (l’Azerbaïdjan est une démocratie relative…), Aliyev s’est résolument tourné vers le pétrole.
Il y a longtemps que l’on connaît l’importance des gisements pétrolifères et gaziers de la mer Caspienne, mais l’Union soviétique vieillissante avait d’autres priorités. L’Azerbaïdjan, dès son indépendance arrachée en 1991, s’est attelée à la tâche, soutenue par la Turquie et les Occidentaux. Après des années d’études et de négociations, un cap a été fixé : construire un oléoduc partant de Bakou et évitant soigneusement l’Iran au sud, la Russie au nord et, bien sûr, l’Arménie à l’ouest. C’est donc par la Géorgie que l’ouvrage passe, puis la Turquie, pour finir dans le port de Ceyhan, dans l’ancienne Cilicie, non loin de la Syrie.
Ce trajet improbable et fort coûteux a été financé par la Banque mondiale, la BERD et des banques américaines sous l’égide de British Petroleum, qui possède 30 % des parts, suivie par une compagnie azérie, avec 25 %, les autres pays occidentaux se partageant le reste, États-Unis en tête (L’Usine nouvelle du 25 mai 2005). Personne n’est oublié puisque la Turquie et la Géorgie perçoivent de substantielles redevances, l’oléoduc traversant leur pays. On comprend mieux, soit dit en passant, le grand intérêt que les États-Unis portent à la Géorgie depuis quelques années, aidant à l’installation d’un régime pro-occidental et antirusse.
En 2005, lors de l’inauguration de cet oléoduc – un des plus longs du monde, avec près de 1.800 kilomètres -, le secrétaire d’État américain à l’énergie Samuel Bodman était présent, en bonne compagnie avec les présidents turc, azéri et géorgien (Le Monde du 25 mai 2005).
L’afflux d’argent qui suivit la mise en service de cet oléoduc permit à l’Azerbaïdjan de moderniser son armement et, surtout, d’acheter de très nombreux drones israéliens et turcs. Ce sont eux qui ont fait la différence. La valeur du combattant arménien, sans être mise en cause, ne pouvait rien face à ce déluge de technologie meurtrière. L’Arménie est un pays pauvre, sans ressource énergétique.
Ce ne fut pourtant pas sans mal, et le président Aliyev lui-même (celui qui traite les Arméniens de « chiens ») a reconnu que le franchissement des fortifications arméniennes fut très difficile. Les pertes des Azéris et des islamistes syriens envoyés par Erdoğan restent secrètes mais sont considérées comme très élevées par les observateurs.
Tout cela était parfaitement connu de la Russie, qui a laissé faire. Poutine et Lavrov ont rappelé leur ligne : il fallait rendre à l’Azerbaïdjan les territoires azéris conquis en 1994 pour conserver l’intégralité du Haut-Karabakh. Certes, et l’ONU s’était prononcée dans ce sens. L’entêtement du médiocre Premier ministre Pachinian (qui ne le restera pas longtemps) a coûté cher.
Mais tout de même, quelle tristesse de voir une partie du Haut-Karabakh et son patrimoine chrétien plus que millénaire laissés aux mains des Azerbaïdjanais et de leurs alliés islamistes syriens.
Antoine de Lacoste
Source : lafautearousseau