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campagne électorale

  • Pour un prêtre, la campagne électorale ne s’arrête jamais

    Publié par Guy Jovelin le 31 mai 2019

    Auteur : Michel Janva

    Pour un prêtre, la campagne électorale ne s’arrête jamais

    Le père Danziec écrit dans Valeurs Actuelles :

    Disons-le tout de suite : pour un prêtre, la campagne électorale ne s’arrête jamais. Il n’en finit pas d’occuper l’espace, de labourer le terrain, de quadriller sa paroisse. Il continue à haranguer ses ouailles dimanche après dimanche. Il tente de distribuer autant de sourires que de conseils, d’images pieuses que de médailles. Il serre des mains sur les places des marchés. Il visite les grands comme les humbles, les écoute et leur parle. Il encourage et fustige. Console tantôt, soutient souvent, dynamise parfois. Surtout il délivre un message. Celui de l’Evangile et de l’Eglise. Inlassablement, il invite à faire un choix. Celui qu’il estime être bon, le choix du Christ. Il rappelle à qui veut l’entendre qu’on ne peut faire ce choix par procuration. Il précise que, dans la vie chrétienne, il ne s’agit pas d’opter pour le moindre mal mais d’embrasser un Bien parfait. Il ajoute enfin que pour cela nous n’avons pas un seul tour mais fort heureusement toute une vie.

    Que les campagnes se terminent ou ne s’arrêtent jamais, qu’il s’agisse des élus de Dieu ou des élus de la République il n’en reste pas moins qu’une vérité forte, issue de la conscience populaire, s’applique imperturbablement : « malheur par qui le scandale arrive ». Au regard de leur fonction, et chacun dans leur domaine propre, prêtres et politiques ont en effet ceci de commun qu’ils sont gravement tenus de servir avec exemplarité leur semblable. Les scandales n’ont pas bonne presse sur les parvis des églises ou parmi les bancs des parlements. Comme il semble loin ces temps de l’Histoire des hommes où, dans une synergie toute gracieuse, les politiques aimaient à s’entourer d’hommes d’Eglise au bénéfice de l’Etat : Clovis avait son évêque Rémi, Charlemagne son moine Alcuin, Louis XIII le Cardinal de Richelieu.

    Certains se rassureront en constatant que l’abstention aux dernières élections européennes n’a pas encore atteint la proportion de ceux qui désertent les églises le dimanche, et que c’est déjà là un bon point. Mais il est sûr que le spectacle peu reluisant des fins de campagnes, avec leurs lots de professions de mauvaise foi, de petites phrases vengeresses ou de punchlines assassines, ne fait probablement pas regretter grand-chose aux déserteurs des isoloirs. Les lendemains d’élection pour une famille politique sont à l’image des rendez-vous chez le notaire pour des frères et sœurs. Ils témoignent du même drame : lorsque l’heure des comptes sonne, l’unité montre son vrai visage. Réelle, de façade ou de circonstance.

    Pour assurer la cohérence de ses perpétuelles campagnes, le prêtre doit offrir à son auditoire la garantie d’une certaine loyauté aux idées maîtresses qu’il défend. La pertinence de l’apôtre réside dans sa capacité à être convaincu de l’intérêt du message qu’il délivre. Convictions qui vont bien au-delà de la personne éphémère qui les porte. Plus que la main du semeur, ce qui importe c’est ce qui est jeté en terre.

    Au séminaire, un vieux professeur nous rappelait l’importance vitale de l’examen de conscience à chaque fin de journée. Il s’agissait de circonscrire durant cinq minutes silencieuses, à l’aune du jour qui s’échappe, ce qui mériterait d’être corrigé, amendé ou poursuivi le lendemain. Il conseillait en somme de « se remettre en cause » chaque soir. « Y compris quand tout va bien ? » lui demandais-je l’air taquin. « Surtout quand tout va bien » me répondit-il, comme pour mieux insister.

    Pour plagier Alfred de Vigny, les grandeurs et servitudes de l’état ecclésiastique résident dans cet équilibre fragile : la fidélité au message et la capacité à se remettre en cause. Fidélité, que les victoires soient ou non au rendez-vous, capacité à se remettre en cause, y compris lorsque tout nous sourit.

    Depuis bientôt deux mille ans, c’est sans doute pour cela que l’institution ecclésiale survit. Charles de Foucauld disait que l’Eglise est une apparente défaite dans une perpétuelle victoire. A faire pâlir d’envie les partis politiques, quels qu’ils soient.

     

    Source : lesalonbeige