Publié par Guy de Laferrière le 06 novembre 2022
Lundi 3 octobre 2022 au petit matin, un betteravier de l’Oise s’est donné la mort. Deux jours avant, il avait reçu une convocation judiciaire émanant de l’office français de la biodiversité (OFB). Quelques mois plus tôt, l’agriculteur était visité par trois agents de l’OFB, explique Régis Desrumaux, président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de l’Oise. « Il était accusé d’avoir entraîné le jaunissement de l’herbe sur une ligne d’une longueur d’environ 600 mètres, sur un chemin qui longe une de ces parcelles », raconte-t-il. « Les agents de l’OFB ont épluché toutes les données de traçabilité de l’exploitation sous le regard méfiant de Linda Monnier, directrice de la FDSEA de l’Oise. Mais ils n’ont trouvé aucune preuve permettant d’accuser l’agriculteur. C’était un agriculteur très consciencieux et tout était parfaitement à jour. Les agents de l’OFB l’ont même fait remarquer », précise-t-il. Malgré cela, le président du syndicat témoigne que l’agriculteur était très perturbé par ce contrôle. Interrogé par le Betteravier français, le directeur de l’OFB de l’Oise précise : « nous avions toutes les raisons de penser que l’agriculteur était coupable. Matériellement, les faits étaient constitués », explique-t-il.
[…]Selon Régis Desrumaux, « cette mort tragique interpelle sur les méthodes utilisées par l’OFB. Cette institution ne connaît pas la présomption d’innocence : quand vous les voyez arriver dans votre ferme, avec leur arme à feu, vous comprenez que vous êtes présumé coupable », explique-t-il. « On sait qu’il faut des contrôles. Mais on demande de la pédagogie et du bon sens. On demande que les contrôles prennent en compte la réalité de notre métier et de la nature », explique le président de la FDSEA. « Malheureusement, les agents de l’OFB n’y connaissent rien ! Ils n’ont qu’un semblant d’avis sur l’agriculture. Ils reçoivent des ordres du ministère de l’écologie qui leur demande de mettre la pression sur les agriculteurs », déplore-t-il.
« On s’étonne qu’il y ait un agriculteur qui se donne la mort tous les deux jours. Mais la cause est simple : c’est la déconnexion de l’État par rapport au réel et la pression administrative et environnementale », affirme Régis Desrumaux. Lors d’un contrôle, un agriculteur a fait constater par l’OFB les dépôts sauvages de gravats et d’huile de vidange qui s’accumulaient en bordure de son champ et dont il ne savait que faire. « Mais ça, ils n’en avaient rien à faire », déplore-t-il. « C’est facile de s’attaquer aux agriculteurs car nous sommes faibles et sans défense », explique son voisin. Et l’agriculteur qui a été inhumé la semaine dernière n’est pas le premier. « Un de mes voisins s’est pendu il y a trois ans, après avoir eu des problèmes avec l’OFB », explique Louis Y, agriculteur et betteravier dans la Somme.
« La convocation judiciaire est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », explique Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA. « Ce drame est très probablement multifactoriel. En effet, l’agriculteur s’était fait voler son GPS la veille du suicide », précise-t-il. Mais cela ne remet pas en cause la nature contestable des méthodes utilisées par les agents de l’OFB. Une dizaine d’agriculteurs de l’Oise ou d’autres départements, ayant subi un ou plusieurs contrôles, ont accepté de témoigner suite à ce drame. Mais ils ont tous exigé de rester anonymes pour « éviter un nouveau contrôle que l’OFB pourrait faire en représailles ». En effet, « si on veut trouver une irrégularité dans une ferme, on en trouvera toujours », précise Alain* N. « En raison de la surtransposition réglementaire, si on veut être sûrs d’être parfaitement dans les règles, il faut arrêter notre activité et vendre notre ferme », avoue un de ses collègues. […]
L’OFB précise : « on ne cherche pas à taper sur les agriculteurs. Comparés aux autres services, on nous dit qu’on est des gentils ». Mais les témoignages anonymes des agriculteurs ne vont pas du tout dans ce sens. […]
[…]Le 3 avril 2022, Géraldine Woessner, journaliste au Point, évoquait l’acharnement dont l’OFB fait preuve à l’encontre des agriculteurs. Elle cite cet exemple où, à Grenoble, le zèle de cette administration est soutenu par le procureur du parquet spécialisé (créé par la réforme du 1er avril 2021) qui déclare : “Il faut nourrir le tribunal et faire un exemple”. Un exemple, des exemples… Et les langues se délient un peu partout sur le territoire avec des agriculteurs qui préfèrent garder l’anonymat car ils redoutent les contrôles et la descente impromptue des agents de l’OFB dans les cours de fermes, dans les parcelles, sur les exploitations, en uniforme, arme à la ceinture comme s’il s’agissait d’interpeller des meurtriers.
Alertés du drame par Luc Smessaert et Christiane Lambert, respectivement vice-président et présidente de la FNSEA, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, et celui de l’Écologie, Christophe Bréchu, ont été “sensibles à la situation et ont pris cela au sérieux”. Circulez, il n’y a donc plus rien à voir derrière cette coalition où l’on ne sait plus qui, du ministère de l’Agriculture ou de celui de l’Environnement, détient désormais le plus de pouvoirs. La question étant de savoir ce que pèse le monde paysan face au lobby écologiste. Comment, en effet, en moins de deux décennies, le dogme verdoyant a-t-il pu, à ce point, impacter, inquiéter et intimider les producteurs, les éleveurs, les cultivateurs ? Et bien, tout simplement, car les environnementalistes bénéficient du soutien d’une population conditionnée par les émissions et les reportages à charge régulièrement diffusés à la télévision et sur les ondes. Ces reportages où le glyphosate (classé en juin dernier par l’Agence européenne des produits chimiques comme non cancérigène) est systématiquement cité dès qu’il s’agit, pour capter l’audimat, d’obtenir un effet anxiogène.
Nous en sommes là, dans cette société, à minorer le rôle nourricier de l’agriculture en lui préférant la démonstration de quelques activistes qui saccagent les cultures, les transports alimentaires, les retenues d’eau ou qui jettent des bols de soupe sur les tableaux parce que la plupart du temps ils n’ont, tout simplement, rien d’autre à faire. L’hystérie de certains responsables politiques présents aux côtés des activistes comme Rousseau et Jadot dans les Deux Sèvres samedi, questionne sur la légitimité de ces “législateurs”. L’acharnement de ces élus à l’encontre des pratiques agricoles ayant atteint des niveaux ubuesques, le monde paysan français à toutes les raisons de s’inquiéter quant au devenir de sa profession.
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