A Jérusalem, Emmanuel Macron vient de faire preuve d’un manque de culture religieuse en déclarant :
Il est courant d’entendre dire que le judaïsme, le christianisme et l’islam sont les “trois religions du livre”. Cette affirmation visant à mettre ces trois religions sur une sorte de pied d’égalité. Or il faut cesser de répéter une telle sottise… et surtout cesser d’y croire !
L’islam est bien une “religion du livre”; et c’est d’ailleurs ce qui pose problème puisque ce qui est écrit dans le livre – le Coran – ne peut être ni modifié ni discuté. Il n’y a pas d’exégèse possible en islam et les versets du Coran sont à prendre tels qu’ils sont écrits, “au pied de la lettre”. Le judaïsme est aussi – mais dans une mesure bien moindre – une “religion du livre’’. Mais si le texte de la Torah doit être fidèlement transcrit, il peut – il doit même – être commenté, expliqué. En quelque sorte, on peut dire que si le texte est fixé de façon scrupuleuse en tant qu’il est la parole de Dieu, il faut en saisir l’ “esprit” plus que la simple lettre.
Quant au christianisme, et surtout au catholicisme (mettons à part certaines communautés issues de la Réforme), il n’est en aucune façon une “religion du livre”. Certes, la tradition liturgique fait que l’Evangéliaire est richement orné et est porté en procession au début de la célébration eucharistique : mais ce n’est pas le livre que l’on honore… c’est son contenu ! Le livre n’est respecté qu’en tant qu’il est un support matériel de la Parole divine. De fait, à la messe, au moment de la proclamation de l’Evangile, le célébrant n’encense pas l’Evangéliaire lorsqu’il vient de le poser sur l’ambon, mais uniquement après qu’il ait annoncé “Lectio sancti Evangelii secundum… N.” (Evangile de Jésus Christ selon N.) en faisant le signe de la croix avec le pouce sur le livre, puis sur lui-même au front, à la bouche et à la poitrine. (Cf. Missel romain, Introduction générale n. 134.) C’est donc bien l’Evangile – la Parole de Dieu – et non l’Evangéliaire – le livre – qu’on encense par signe de respect. Et à la fin de la proclamation de l’Evangile du jour, le célébrant dit “Verbum Domini” (Acclamons la Parole de Dieu)… Retenons bien : c’est de la Parole qu’il s’agit ! A la différence du “texte” coranique écrit qui est, pour un musulman, l’enseignement reçu de Dieu, pour un catholique c’est dans la “parole” évangélique proclamée – et non dans la “matérialité” du texte imprimé ou manuscrit – qu’il faut chercher l’enseignement de Dieu. Voilà aussi pourquoi il existe une exégèse des textes bibliques : ceux-ci ne sont pas à prendre systématiquement “au pied de la lettre” mais doivent être “scrutés”, “décortiqués” à la seule lumière de la Tradition vivante de l’Eglise. D’une façon générale, le christianisme ne saurait en aucune façon passer pour une “religion du livre”: il est une religion de la Parole. Et il faut donc définitivement tordre le cou à cette idée fumeuse – qui n’est probablement pas sans arrière-pensée – selon laquelle le christianisme, le judaïsme et l’islam seraient les “trois religions du livre“.
Ou encore ici dans La Croix :
Dans le Coran, les juifs et les chrétiens sont désignés comme les «gens du Livre» (ahl al-kitâb). C’est-à-dire ceux qui, comme les musulmans, ne reconnaissent qu’un seul Dieu. L’expression «religions du Livre», qui désigne les trois monothéismes, s’est répandue dans l’opinion publique, mais elle n’est pas juste en ce qui concerne le christianisme.
Comme son nom l’indique, le christianisme rassemble les disciples d’une personne, Jésus Christ, Verbe fait chair, Parole de Dieu dont nous pouvons approcher le mystère mais dont n’aurons jamais fini de faire le tour.
Le christianisme n’est pas une religion du Livre ni même de l’écrit, même s’il entretient un rapport fort avec celui-ci. Cela change notre rapport au texte lui-même. Origène, un Père de l’Eglise du IIIe siècle, affirme que celui qui lit le texte à la lettre et s’y arrête peut être comparé à un blasphémateur car il réduit Dieu à des affaires littérales.
Un exemple ? Dans le première lettre de saint Jean, nous lisons : «Le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché» (1 Jn 1,7). Une lecture littérale pourrait déboucher sur une vision sacrificielle, quasiment païenne : on sacrifie un être vivant pour apaiser la colère de la divinité. On en arrive à l’idée d’expiation, dans laquelle l’image d’un Dieu courroucé peut devenir terrible… Dans l’histoire de l’Eglise, la tentation de la lecture littérale et fondamentaliste des Écritures a été, hélas, trop présente…
En vérité, la relation du chrétien au texte sacré est vivante : elle prend vie lorsqu’elle est interprétée, expliquée, proclamée, prêchée, mise en relation avec notre vie, agissante dans notre existence quotidienne.
A la messe, la proclamation des extraits de l’Ancien et du Nouveau Testament se conclut par la formule : «Parole du Seigneur» (à laquelle l’assemblée répond : «Nous rendons grâce à Dieu»), ce qu’on pourrait traduire par : «Que cette parole devienne pour vous Parole de Dieu». Alors le texte, entendu, médité, vécu, peut devenir le lieu de la rencontre avec la Parole du Dieu, qui est le Christ lui-même.
Quand on accepte de ne pas prendre un texte à la lettre et qu’on accueille sa mise en perspective (historique, littéraire, théologique, etc.), on a parfois l’impression de perdre certains gardes-fous. On découvre alors que le véritable garde-fou, c’est de rechercher la vérité et non pas de s’imaginer qu’on la détient. Dans cette recherche, le chrétien peut s’appuyer sur la Tradition de l’Eglise, qui a interrogé ces textes et proposé de multiples interprétations.
Source : lesalonbeige