Qui se souvient encore de Jupiter recevant fastueusement les présidents américain et russe, l’un aux Invalides, l’autre à Versailles, ces hauts lieux de la monarchie qu’il prétendait ainsi restaurer comme monarque républicain concentrant tous les pouvoirs ? On pressentait que le jeune Chef d’Etat “brillant” allait faire un malheur sur la scène internationale.
La cour et le choeur médiatiques chantaient des dithyrambes en son honneur. Les rangs des adorateurs se sont depuis éclaircis mais il en reste suffisamment dans les mains de ses amis milliardaires pour maintenir cet homme désastreux à 24 % de votes dans les sondages actuels. Il est vrai que le Jupiter tonnant qui osait s’en prendre au Général de Villiers ne connaît que les campagnes politiciennes, et qu’il fait aujourd’hui campagne pour sa réélection en trahissant l’esprit même de la Ve République. Celui-ci impliquait à la tête de l’Etat un homme au-dessus du commun, doté d’un pouvoir qui lui assurerait une place prééminente dans les relations internationales en raison de ce pouvoir et malgré la taille réduite de la France après la perte de son Empire. Macron n’est pas l’homme providentiel élu par le peuple en dehors du jeu des partis. Il est un accident de l’histoire élu par défaut grâce à un complot de cabinet, et la France paie maintenant le prix de ce choix calamiteux.
Au hasard de ses discours de campagne, il privilégie l’effet immédiat obtenu auprès de son public plutôt que l’intérêt supérieur de notre pays dans le monde. Sans doute pour séduire les double-nationaux franco-algériens, avait-il cru bon de multiplier les repentances à propos de la guerre d’Algérie. Il avait confié à un homme connu pour son penchant en faveur des indépendantistes la mission d’établir le bilan de notre présence dans ce “pays” qui n’avait ni nom, ni existence, avant sa conquête par la France. Sûr de ne pouvoir compter sur le soutien ni de ceux qui regrettent l’Algérie française, ni de tous les patriotes qui voient en lui un ennemi déclaré, il avait fait le choix d’abîmer l’image de la France pour gagner des voix chez ceux qui la détestent. Mais comme parmi cette jeunesse en qui il place ses espoirs, il y a aussi les enfants des harkis, il a donc dit tout le mal qu’il pensait du gouvernement d’Alger “construit sur une rente mémorielle”, devant notamment 18 petits-enfants de harkis. Le “en même temps”, où certains voyaient paraître enfin le génie du centrisme, révélait son secret : dire tout et son contraire en fonction des publics auxquels on s’adresse. Peu importe ce que M. Macron pense du passé, c’est l’intérêt présent de notre pays qui est en jeu. Le pouvoir algérien est ombrageux : convocation de l’Ambassadeur de France, puis rappel de l’ambassadeur d’Algérie à Paris, et enfin interdiction de survol du territoire algérien par les avions français alors que celui-ci est nécessaire pour nos opérations militaires au Sahel. Le Jupiter foudroyant du haut de la puissance française n’est décidément qu’un matamore bavard dont chaque discours risque de ne foudroyer que les intérêts de son propre pays.
Les coups d’Etat ont été nombreux dans les anciennes colonies africaines françaises. Certains pensaient même, non sans quelque raison, que la France n’y était pas toujours étrangère. Or c’est dans l’épicentre du terrorisme sahélien, le Mali, que M. Macron a jugé utile de fustiger le gouvernement issu du dernier d’entre eux, dénué selon lui de la moindre légitimité. Là aussi, des paroles inconsidérées, acceptables chez une personne privée, mais maladroites chez un homme d’Etat qui doit en peser les risques, sont venues pourrir les rapports de la France avec un pays dans lequel plus de cinquante Français sont morts. Entre le retrait partiel des troupes françaises et le mot excessif d'”abandon” employé par le Premier ministre malien, la mort d’un nouveau militaire français avait de quoi susciter la colère, mais celle-ci exprimée à l’encontre du gouvernement, soutenu, semble-t-il par une large partie de l’opinion, était malvenue dans la bouche du président français, car elle conduit à une impasse. L’homme fort de Bamako se souvient que le Mali a déjà eu une relation privilégiée avec Moscou et la Russie met désormais un pied au Mali comme elle l’a fait en République Centre-Africaine. Que nos opérations militaires et la mort de nos soldats conduisent à une mainmise russe n’est guère la preuve d’une politique cohérente et efficace. Les clés de la sécurité dans le Sahel sont l’Algérie et la Libye. Avant de gâcher nos relations avec la première, nous avions déjà laissé place au tandem russo-turc dans la seconde. Là-encore, à quoi servait-il de s’en prendre à la mort cérébrale de l’Otan face à Erdogan si c’était pour le laisser agir à sa guise en méditerranée ? Alors Macron a dressé un village Potemkine à Montpellier, un sommet Afrique-France plein de jeunes espoirs, mais sans chefs d’Etat ou de gouvernement, bref une plaine de jeux à défaut d’un sommet qu’il a rendu impossible. Le sommet s’est déroulé à Sotchi, il y a deux ans, lorsque Vladimir Poutine a accueilli plus de quarante dirigeants africains.
Le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian est arrivé à Beyrouth en provenance de Moscou. Il est venu annoncer la construction de deux centrales électriques et la permanence du ravitaillement du pays du Cèdre par Téhéran. La France avait un rôle majeur dans ce pays. Après les déclarations péremptoires de M. Macron au lendemain de la terrible explosion qui a ravagé le port de Beyrouth, il ne s’est rien passé, sauf que désormais c’est l’Iran et non l’Arabie saoudite qui aide financièrement le pays.
Trump dînait avec Macron à la Tour Eiffel. Son successeur Biden a fait tomber “notre” président de haut jusque dans les profondeurs en lui piquant un énorme contrat de sous-marins pour l’Australie. Quant à Poutine, il attend sans doute le président suivant pour traiter à nouveau sérieusement avec la France.
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