Publié par Guy Jovelin le 18 octobre 2022
C’est fou ce que l’on apprend au sein des longues files d’attente pour se servir de façon contingentée en carburant dans les stations services gérées par le parti communiste de l’union européenne soviétique.
L’Europe plonge dans la récession alors que la Russie en sort ». Cette affirmation ne vient pas d’un énième site d’information dit de propagande russe, mais du très mondialiste magazine britannique The Economist. Tout ne va pas bien dans l’économie russe, mais elle fait beaucoup mieux que les prévisions initiales cataclysmiques du FMI ou de l’OCDE, et sort la tête de l’eau. De l’autre côté, la récession se profile du côté européen.
Ce jeudi par exemple, le gouvernement allemand a été contraint de déclassifier un document datant d’il y a un an. Il y apparaît que le gouvernement de l’époque, chapeauté par Angela Merkel, ne voyait aucun risque en Nord Stream 2, Berlin estimait même que le gazoduc allait « augmenter la sécurité de l’approvisionnement de l’Europe. « L’Ami américain » si cher à Wim Wenders, quant à lui n’a pas eu l’air d’apprécier. Après les fuites de Nord Stream 1 & 2, et les explosions sous-marines repérées au même moment, les dirigeants européens n’ont plus beaucoup de doutes sur la possibilité d’une attaque ou d’un sabotage.
Bon Prince , à une conférence sur l’énergie à Moscou, le président russe Vladimir Poutine a proposé de réparer Nord Stream et de redémarrer les flux de gaz vers l’Allemagne, par Nord Stream 2 également. Il a aussi suggéré de faire passer les réserves de gaz bloquées par l’arrêt de Nord Stream vers la Turquie, pour faire du pays la nouvelle plaque tournante pour le marché du gaz en Europe. Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que le président turc ne réagisse à la proposition de Poutine. Il a ordonné à ses experts de se mettre au travail avec leurs homologues russes afin d’entamer les études techniques. Erdogan, décidément très en vue actuellement, y perçoit là sans doute le moyen indirect de soustraire à l’Union européenne via la Grèce le bénéfice de futures découvertes pétrolifères en mer méditerranée, un projet qui empiète en fait sur les eaux territoriales grecques, au sud de la Crète. Dans son bras de fer avec l’UE, pour Erdogan cela sera sans doute désormais pétrole contre gaz !
Une Union européenne qui souhaite s’éloigner des combustibles fossiles russes, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Au mois de septembre, elle en est restée le plus grand importateur. Aujourd’hui, l’UE paie encore chaque jour environ 260 millions d’euros pour le pétrole et le gaz en provenance de Russie.
On le sait pourtant, depuis le début de la guerre en Ukraine, la quantité de gaz russe envoyée par gazoduc vers l’Europe a nettement baissé. D’une part, car l’UE tente de se défaire de sa dépendance à Moscou. D’autre part, parce que le Kremlin a décidé de mettre un coup d’accélérateur lui-même à ce phénomène, réduisant considérablement ses livraisons vers le Vieux Continent, en mettant notamment totalement à l’arrêt Nord Stream 1, aidé involontairement en cela par les « facétieux » américains et leur gout immodéré depuis le 11 septembre pour les explosifs.
En revanche, pour le gaz naturel liquéfié, c’est une tout autre histoire. Les échanges entre l’UE et la Russie ont même tendance à augmenter. Car il faut dire qu’ à la suite du retrait des livraisons de gaz non gnl russe, les pays européens ont augmenté leurs importations de gaz américain. Le produit énergétique en question – le gaz naturel liquéfié – pouvait, dans un premier temps, être obtenu à un prix relativement bas. Ce ne sera plus le cas aujourd’hui et c’est confirmé par le fondateur de la société texane de GNL Tellurian. Cela n’a pas échappé non plus au ministre allemand de l’Energie: « Bien sûr, cela entraîne des problèmes dont nous devons parler ». Une histoire de vase communiquant en quelque sorte : ce qui ne passe pas d’un coté, tend de réapparaitre de l’autre, et les prix en la matière font toute la différence. Et coté prix les Russes sont imbattables !
Ironie du sort les observateurs européens craignent maintenant que le géant gazier public russe Gazprom ne brûle massivement du gaz au lieu de l’exporter vers l’Europe.
Selon une analyse de Bloomberg, une moyenne de 1,18 million de mètres cubes de gaz a été brûlée chaque jour du 10 août au 21 septembre dans l’installation de production clé de la péninsule de Yamal, dans le nord-ouest de la Sibérie. Ce chiffre peut sembler énorme, mais en fait, il n’est pas exceptionnellement élevé. Au contraire : au cours de la même période de l’année précédente, la quantité de gaz brûlé était 28% plus élevée. Il y a deux ans, la moyenne était légèrement inférieure : un peu plus d’un million de mètres cubes de gaz étaient brûlés chaque jour. La quantité brûlée ne représente qu’une petite partie de la production quotidienne de Gazprom. En effet, le groupe a produit en moyenne 838 millions de mètres cubes de gaz naturel par jour en août et septembre. Notons toutefois que, la quantité produite étant plus faible cette année, la part du gaz naturel brûlé a augmenté. En effet, en 2021, Gazprom a produit plus de 50% de gaz naturel de plus qu’aujourd’hui. En juillet 2022, la production est tombée à son plus bas niveau depuis 2008. Principalement à cause de la réduction des exportations vers l’Europe. L’année dernière, Gazprom a produit un total d’un peu plus de 700 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Sur ce total, 25,4 milliards ont été brûlés en torche, soit près de 4%.
De quoi faire faire bêler d’envie les Européens frigorifiés car bien que les réserves de gaz de l’Europe soient remplies à environ 91%, cela pourrait ne pas suffire. C’est du moins l’avis d’Alexeï Miller, le patron de la compagnie énergétique publique russe Gazprom. Ses prévisions pour l’hiver suivant, 2023, ne sont guère plus réjouissantes.
Terriblement lucide pour une fois, la secrétaire d’État américaine au Trésor, Janet Yellen, a déclaré qu’un plafonnement du prix du pétrole russe à 60 dollars le baril ne suffirait pas à garantir que la Russie cesse de réaliser des bénéfices sur ce produit. Selon Yellen, la Russie serait trop heureuse de vendre son pétrole à 60 dollars le baril. Selon elle, le Kremlin est disposé à faire cela depuis des années. « Donc un prix dans cette fourchette serait certainement suffisant pour supposer que la Russie peut produire et vendre du pétrole de manière rentable », a-t-elle déclaré, dans des propos rapportés par Business Insider.
Reuters souligne que le pétrole de l’Oural, la référence russe, se négociait récemment à environ 75 dollars le baril, soit une baisse de quelque 20% par rapport au Brent, la référence en Europe.
Tout cela est confirmé par le secrétaire adjoint au Trésor américain, Wally Adeyemo, qui a également affirmé que certains pays tentaient actuellement de négocier des contrats avec la Russe à des prix nettement inférieurs à ceux du Brent, et que celle-ci désirait les boucler avant l’embargo « factice »européen. Exemple depuis mai, le Sri Lanka a commandé près de 80% de son brut à la Russie. À l’ombre de la Chine et de l’Inde, le pays insulaire a rejoint la liste des pays profitant des rabais offerts par le Kremlin pour continuer d’écouler son or noir.
Les talibans qui ont pris le pouvoir en Afghanistan ont ainsi conclu un accord avec la Russie pour importer du carburant et du blé : L’accord avec la Russie est le plus important de l’histoire des Talibans et comprend un million de tonnes d’essence et de diesel, un demi-million de tonnes de gaz de pétrole liquéfié et deux millions de tonnes de blé à fournir chaque année jusqu’à une date non précisée. Ces derniers seront achetés en roubles russes et à un « rabais spécial »
Il y a 70 ans, au lendemain d’une guerre dévastatrice, c’est l’énergie, et plus précisément le charbon, qui a permis aux pays européens de se réunir pour former un marché commun dans un souci de paix. Aujourd’hui, dans une nouvelle ère de guerre et de rivalités géopolitiques, c’est à nouveau l’énergie – cette fois-ci le gaz – qui menace de déchirer cette unité. Comme le résume bien Mike Wirth, patron du groupe pétrolier américain Chevron : Les gouvernements occidentaux ont exacerbé la pénurie mondiale de pétrole et de gaz par leurs politiques climatiques « trompeuses », qui rendront les marchés de l’énergie « plus volatils, imprévisibles et chaotiques ».
Tout un programme et décidément tout un art que la démolition contrôlée !
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