Publié par Guy Jovelin le 05 mai 2020
Les conflits du Sahel central ne sont pas une conséquence de la raréfaction des ressources alimentaires puisque, entre 1999 et 2016, la production céréalière y a été multipliée par trois. Parallèlement, le terrorisme a embrasé la région. Pourquoi ?
Si les ressources alimentaires ont été multipliées par trois, c’est parce que les surfaces cultivées ont augmenté de 25 %. Un résultat essentiellement obtenu par la mise en culture de pâturages. Donc aux dépens des pasteurs. Sur leurs anciens terrains de parcours, les Peul ont ainsi vu s’installer des colons allochtones dont, avant la colonisation, ils razziaient les ancêtres. Leur mode d’existence étant menacé, ils se sont tournés vers les jihadistes
Plus généralement, si nous regardons les microphénomènes, et non plus les seuls macrophénomènes, nous constatons que ce n’est pas tant autour des anciens points d’eau qu’ont lieu les affrontements, mais autour des nouveaux puits creusés par les ONG et des surfaces d’irrigation subventionnées par l’Union européenne. Certains projets maraîchers portés par les « sauveurs de la planète » sont même de véritables facteurs de guerre. Ils quadrillent en effet des zones humides désormais interdites aux pasteurs et qui leur sont pourtant vitales.
La religion du « développement » bouleverse donc les subtils équilibres fonciers traditionnels. D’où la plupart des affrontements ethniques actuels au Macina, au Soum et au Liptako.
Comme je l’explique dans mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours, en raison de l’ethno-mathématique électorale, les États sahéliens qui sont dirigés par les agriculteurs sédentaires favorisent les leurs aux dépens des pasteurs. Enrichis, les sédentaires investissent dans l’élevage, concurrençant ainsi directement les pasteurs. Cela est notamment le cas dans le Macina-Soum. D’où la confrontation entre Peul et Dogon.
Le résultat de cette double dépossession des pasteurs fait que les sédentaires enrichis et devenus possesseurs de bétail, engagent comme bergers de jeunes Peul prolétarisés. Dès-lors, il est facile aux jihadistes de proposer à ces derniers de sortir de leur humiliation par la loi des armes. Celle de leurs ancêtres quand ils étaient dominants.
Autre exemple, le Soum, où, comme je ne cesse de l’écrire depuis des années, l’introduction de la riziculture qui s’est faite aux dépens du pastoralisme est une des clés de compréhension de l’actuel jihadisme.
Cette nouveauté a en effet attiré dans la région de nouvelles populations. Les colons riziculteurs mossi ou fulsé-kurumba ont dans un premier temps évincé les pasteurs peul de leurs terrains de parcours. Puis au nom de l’ethno-mathématique, devenus localement plus nombreux que les Peul, ils ont combattu leur chefferie afin de changer les règles d’attribution des terres.
Ici également, le développement a donc ouvert une voie royale aux jihadistes…
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Source : lafautearousseau