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  • « Cachez ces tatouages que je ne saurais voir ! »

    Publié par Guy Jovelin le 17 septembre 2022

    contre-info

    Cachez ces tatouages que je ne saurais voir!

    Alors qu’un Français sur 5 est désormais tatoué, voici une tribune radicale de Charles Gassot, qui nous semble intéressante pour « contribuer au débat » :

    « Le règne de la laideur ne se cantonne plus aux paysages envahis par les éoliennes, ni aux villes nouvelles à l’architecture infâme où paradent trottinettes électriques et sont affichées les publicités les plus subversives. Les corps de nos contemporains se livrent, eux aussi, à une compétition inédite: la course au tatouage le plus hideux.


    Vous pensiez partir en vacances l’esprit libre et dégagé. L’année a été rude mais vous avez tenu bon ! Vous aviez réservé un endroit de rêve pour vous ressourcer, vous imprégner de quiétude et de beauté…

    C’était sans compter sur vos contemporains qui ont décidé de vous pourrir la vie – la vue – en étalant leur laideur sans complexe, de la plage au supermarché, avec leurs tatouages. En en mettant partout, sur les bras, sur le cou et jusque derrière les cuisses, ils imposent l’immonde à tous, et hissent la laideur au rang de fierté.

    La course au tatoo le plus hideux

    Le tatouage a démarré discrètement. Il était porté comme accessoire élégant par quelques art directors à la pointe de la mode, par des sportifs aussitôt suivis par des top modèles. Aujourd’hui, c’est la course pour avoir le plus hideux, le plus criard, le plus voyant, et l’attitude de ceux qui le portent va de pair, elle est agressive et vindicative. Tous s’impriment le corps : serveurs, maçons, barmen, banquiers… même les mamies s’y mettent ! Dans le monde d’avant, on avait droit au « Marcel », le gilet de corps des prolos de l’époque. Il arrivait aussi, parfois, que l’un d’entre eux affiche un logo Renault sur sa poitrine. Son « Marcel », l’ouvrier le portait comme une seconde peau et exhibait volontiers la carte du PC qui allait avec. Désormais, nos tatoués sont des créatifs qui déclinent sur leurs chairs motifs ethniques, personnages de mangas et dates de naissance en chiffres romains. Mais tant d’efforts – de souffrances ? – ne rendent pas plus attrayante une anatomie disgracieuse.

    Bon goût et tendance

    La file d’attente, à la caisse du supermarché, permet d’admirer à loisir ces œuvres qui font mal aux yeux. Une contemplation de l’horreur qui se poursuit, trop souvent, par le contenu des caddies qui débordent de produits industriels infâmes. Comment ce mauvais goût s’est-il imposé si vite ? J’écris « goût », mais ce mot, associé à une certaine idée de l’esthétique, ne peut dépeindre ce navrant spectacle.

    « Tendance » serait peut-être plus adaptée, et la courbe de celle-ci dessine malheureusement celle de la paupérisation de notre société. Quel est le futur de ces jeunes enfants de couples tatoués, assis entre les bouteilles de coca et les pizzas surgelées, quel endoctrinement leur est asséné, quelle culture leur est transmise ? Les tristes statistiques l’attestent : aujourd’hui, quand on naît pauvre, on le reste. Les footballeurs seraient des exemples à suivre. Mais que chacun tente de leur ressembler, les millions d’euros et l’exercice physique en moins, constitue une énigme. Ceux qui sont heurtés par ce spectacle dégradant se noient dans le désenchantement puisqu’il est interdit de le critiquer. Ces corps devenus supports revendicatifs ne peuvent être attaqués car ils sont beaux, nous dit-on en plus ! De guerre lasse, combien de parents éclairés ont renoncé d’essayer de convaincre leurs enfants de ne pas se souiller de crétines inscriptions ?

    Dans les années soixante, des jeunes filles fraîches et radieuses marchaient d’un pas léger sur les trottoirs de Paris et d’ailleurs, vêtues de robes à carreaux Vichy. Le monde leur appartenait. Jacques Demy et ses Demoiselles de Rochefort doivent se retourner dans leur tombe.

    Ce sont pourtant ces femmes ravissantes, devenues de jolies grand-mères, qui ont engendré ces mutants qui aiment s’enlaidir à souhait.

    On est bien loin de la révolte des Sex Pistols ou de l’élégance iconoclaste et créative de David Bowie. L’immersion est un concept à la mode. Qu’à cela ne tienne, nos jeunes tatoués ont choisi de s’immerger dans le rejet absolu d’eux-mêmes. Pensent-ils à leur avenir et à travailler ? Toute entreprise recherche de nouveaux collaborateurs. Elle veut engager des jeunes gens dynamiques et plein d’idées. Certes, les diplômes ont leur importance, mais c’est avant tout la motivation, l’énergie et… la bonne mine qui priment. C’est là que ça se gâte. Que se passe-t-il lorsqu’un employeur potentiel découvre des tatouages qui s’échappent d’une chemise pour aller s’étaler jusque sur les mains ? Peut-il refuser un tatoué sans être condamné pour discrimination ?

    Le PDL (parti du laid) est aujourd’hui le plus grand parti de France. Peut-on imaginer une contre-offensive de l’élégance, du beau et de la sympathie ? Le combat s’annonce difficile. Le cinéma français est devenu inodore, sans passion. Où est passée notre illustre exception culturelle ? Les romans sont insipides, les chaînes d’info en continu et les réseaux sociaux ont colonisé les cerveaux pour y supplanter les idées, les révoltes, les inspirations et la curiosité. Existe-t-il encore des scénaristes, des réalisateurs et des producteurs qui auraient le culot d’inverser la tendance ? Que sont devenus l’humour et le spirituel ? L’élégance est une discrète, elle sait rester en retrait, voire se cacher. Certains voudraient lui casser la gueule pour lui faire payer ce qu’ils prennent pour de l’arrogance. Si elle est votre compagne de tous les jours et qu’elle vous dicte votre style vestimentaire, votre langage, votre attitude dans la vie, surtout, sachez avoir le regard fuyant : vous éviterez celui, haineux, de ceux que la seule idée du chic et de la distinction rend fous !

    Il serait ainsi malvenu d’évoquer, pour donner l’exemple, Givenchy ou Saint Laurent, on me reprocherait de ne parler que des riches. Ce n’est pourtant pas une question d’argent : les plus grands de la haute couture ont tous été copiés par l’industrie du prêt-à-porter, accessible à tous. Où est le jeune créateur qui saura séduire nos tatoués, en créant des modèles qui les ouvrira à autre chose qu’à la laideur ? S’il existe, il va partir de loin et je lui souhaite bon courage, d’autant que la pub et les médias ne sont pas prêts à faire barrage au moche. Je suis heureux qu’Azzedine Alaïa et Issey Miyake soient morts, ils n’ont plus à vivre dans ce monde de désolation. »

    Source Causeur