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vladimir

  • Confondre Saddam et Vladimir

    Publié par Guy Jovelin le 26 février 2022

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    Les termes dans lesquels on peut juger les évènements en cours en Ukraine, en dépit de l’hystérie ambiante, doivent rester objectifs au sens littéral. C’est à dire une dissection de la stratégie, de la linguistique et de l’idéologie qui mènent à un conflit grave comme celui-ci. Sur le plan de la stratégie — mais nous y reviendrons — c’est une erreur grave, sur le champ de bataille, comme dans une bagarre de rue, d’acculer un adversaire qu’on n’est pas prêt à annihiler sur le champ. Non, on lui laisse une issue. Seule, l’idéologie occidentaliste moderne dans sa présomption illimitée frôlant souvent le délire d’interprétation, pouvait s’imaginer traiter Vladimir Vladimirovitch comme on traitait Saddam Hussein. Le pouvoir russe, qu’il n’est pas question ici de défendre — il est si semblable, dans ses féodalités, à ce qu’on connaît en Occident — a fait preuve d’une patience stupéfiante vis-à-vis des Occidentaux, complotant sans vergogne, CIA et MI6 en particulier, avec les bataillons radicalisés des mouvements proto-fascistes d’Ukraine de l’Ouest. La région du Donbass, côté ukrainien, grouille littéralement de SAS britanniques aux côtés des Azov et consorts, multipliant les provocations rapportées en direct notamment par Sémione Piégov, correspondant de guerre de Wargonzo, sa chaîne YouTube (en russe). Comment se représenter ce qu’auraient fait ces forces conjointes au Donbass envahi si le pouvoir russe avait montré ses faiblesses ? Il suffit de repenser à ce qu’ont fait les Albanais aux Serbes dans le Kossovo avec le concours des mêmes forces spéciales britanniques. Les Russes s’en souviennent, s’étant plusieurs fois interposés dans ces pogroms. Le président d’un grand pays pouvait-il tolérer de telles exactions à sa porte ? VVP n’en a pas fait mention dans son discours de guerre par hasard. Enfin, puisqu’il était question d’admettre l’Ukraine dans l’OTAN, une opération immédiate s’imposait, toute reculade signifiait la catastrophe nucléaire, la guerre étant inévitable à terme.

    Les termes linguistiques jouent leur rôle également. Notre classe dominante européenne, soumise à l’anglais CNN, ne dispose plus depuis longtemps des termes susceptibles de lui permettre une profondeur d’analyse diplomatique. L’adoption du terme genre en français, dans son acception post-moderne — plate traduction littérale de l’américain gender où il a une double signification — en fournit un exemple aveuglant. Le genre était en français un terme grammatical, pour préciser, il fallait indiquer genre sexuel, ce qui est une notion différente. Il en va de même pour le langage politico-diplomatique : la réduction ad nauseam à des formules idéologiques importés d’Outre-Atlantique, de problèmes complexes internationaux. Nos dirigeants n’ont plus de langue qui leur permette de penser, Orwell n’avait rien vu ! Ce langage est non seulement réducteur, il est aussi vaniteux, ne connaît, ne reconnaît rien mais sait tout. Son outrecuidance est sans bornes.

    Seule, cette arrogance pouvait rêver qu’en multipliant les provocations autour de l’Ours, rarement offensif, mais qui boxe en contre et à l’aide de la guerre économique, arriverait à ses fins. Les tentatives de déstabilisation vouée à l’échec en Biélorussie de l’année dernière en fournissent un exemple aveuglant. Une nation de 10 millions d’habitants, exempte des fractures ukrainiennes entre Est et Ouest du pays, relativement prospère, « utopie gorbatchévienne réalisée » me disait Vladimir Kozlov, écrivain punk biélorusse, entre communisme et capitalisme, où tout fonctionnait relativement bien, n’était pas susceptible d’éclater comme l’Ukraine en 2014. De même, en Transnistrie, confetti prorusse entre Moldavie et Ukraine, les incursions des forces spéciales roumano-moldaves soutenues — une fois encore ! — par les SAS britanniques, à l’automne dernier, fait encore une fois documenté par Sémione Piégov de wargonzo — n’avaient aucune chance d’aboutir. On pourrait multiplier les exemples.

    En réalité, comme si c’était le paradigme de la géopolitique moderne on suit la politique du pire dans les deux camps. La Stratégie du choc. Pour les journalistes américains Mark Ames et Yasha Levine, vivant aux Etats-Unis, mais fins connaisseurs des deux pays, VVP a commis une erreur, voire une faute. Levine va jusqu’à dire que VVP s’est comporté en chef mafieux qui a des comptes à régler. Pour les deux journalistes, submergés par les cris de joie des néo-conservateurs de tous bords et des médias de gauche sur l’immonde Poutine et l’impérialisme russe — il est tombé dans le piège. Pouvait-il se conduire autrement ?… Danil Doubschine, de Moscou, pense le contraire, que cette dure solution était la seule possible et parle de l’accès à l’eau du Dniepr, coupé par les Ukrainiens en 2014, soudain restauré pour les habitants de Crimée qui souffraient de difficultés d’approvisionnement. Mais qui a le fin mot d’une guerre fratricide ? Un message de Kiev d’un ami ukrainien — refusant de prendre parti, j’ai des amis dans les deux camps — m’avertit aussitôt après qu’on distribue des armes à la population et qu’ils sont prêts, dans toute l’Ukraine, à joncher les rues de cadavres de soldats russes, perçus par les Ukrainiens comme une force d’occupation, ce dont l’armée aura bien du mal à les dissuader, une fois dans l’engrenage de la guérilla.

    Les bataillons néo-nazis, les premiers visés par l’invasion, ont fui, rapporte Sémione Piégov, fièrement campé devant un drapeau de Pravy Sektor, sur un avant-poste abandonné, probablement vers les Carpates, leur point d’appui qui donna tant de fil à retordre à l’Armée Rouge après la guerre, pendant plus de dix ans, avec l’aide des commandos anglo-américains. Le message de l’ami de Kiev précise le danger qui guette l’armée russe : le scénario à l’irakienne, la guerre d’usure où voulait les attirer l’Occident. Saigner la Russie économiquement et militairement, dit Yasha Levine, VVP aurait fait le jeu de l’adversaire. Mais c’est une perception américaine.

    En novembre, à Moscou et dans l’Oural, on refusait de croire à la guerre, confiant dans l’habileté de VVP.
    Mais pouvait-il en être autrement ?

    L’Occident, qui caracole sur les principes sacrés et une fermeté de carton-pâte, en cherchant à faire tomber VVP, comme il a renversé d’autres « hommes forts » lui a peut-être donné une nouvelle longévité comme en 2014 avec la Crimée et n’est pas à labri des effets boomerang de la guerre économique, comme le montre une prudence surprenante sur certaines sanctions.

    Roger Gramanic, 25 février 2022.

     

    Source : medias-presse.info