La chronique de Philippe Randa
Ah ! la sale bête d’abbé Pierre !
D’autant plus sale et bête qu’il fut tant admiré, tant soutenu, et, diront certains mauvais esprits, d’autant plus qu’il leur a bien rapporté de son vivant : aux politiciens, saltimbanques et people une notoriété certaine et à moindre frais ; aux cadres du mouvement Emmaüs et de la Fondation Abbé-Pierre des emplois gardés et des notes de frais : la misère, c’est comme l’amour, on ne compte pas davantage ce qu’on reçoit que ce qu’on donne.
Mais autres temps, autres mœurs, l’époque est aujourd’hui au dézinguage tous azimuts des statues, surtout, semble-t-il, celles qui furent peut-être trop adulées.
L’indignation est désormais obligatoire ; même les bobos et l’extrême gauche sont brusquement bien silencieux envers cet abbé qu’ils avaient porté aux nues, même lorsqu’il avait déjà déclenché quelques suspicions au siècle dernier pour son soutien au philosophe communiste Roger Garaudy. Celui-ci était alors dans la tourmente médiatique pour des remarques historiques jugées scandaleuses sur la relativité des génocides. Le quotidien Libération n’avait-il pas titré le 22 avril 1996 : « Le dérapage incontrôlé de l’abbé Pierre. Son soutien au négationnisme de son ami Garaudy provoque la stupeur » ?
Le faux pas fut vite oublié, ce qui lui permit d’avoir bien du beau monde à ses funérailles comme l’a relaté Le Monde, autre quotidien de la bien-pensance (forcément lui aussi en 2024 dans la curée contre la Bête immonde) : « Le président Jacques Chirac était assis à quelques mètres, dans un fauteuil. (…) Suivaient les rangs du gouvernement, presque au complet, avec notamment le premier ministre, Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie, Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy, qui a essuyé des sifflets sur le parvis de la cathédrale. Ont également assisté à l’office l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, le président du conseil régional d’Île-de-France, Jean-Paul Huchon, le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Venaient ensuite des rangs réservés aux personnalités des arts et du spectacle – on y distinguait Robert Hossein, Laeticia Hallyday, Jean Reno, Lambert Wilson, Marek Halter,… »
C’est que tous ceux-là ne « savaient pas ». Bien sûr. Bien entendu. Il considérait alors Henri Grouès, de son vrai patronyme, comme bien sous tout rapport… certes, de leur point de vue en tout cas, mais sauf sous les jupes des filles comme on nous l’a donc appris !
C’est que le donneur de leçon qu’il fut sa vie durant aurait pu inspirer Marcel Gotlib pour son célèbre personnage de bande dessinée Pervers pépère : un « honorable vieillard » très excessivement porté sur la bagatelle…
Très excessivement ? Voire, car il semble que les turpitudes de l’infâme ne se soit finalement limitées, en de-ça et au-delà de l’Atlantique, qu’à quelques tripatouillages, certes récurents, entre « Pouet pouet camions » au-dessus du nombril et « main au panier » au-dessous des reins, mais les dames auraient peu apprécié de telles manières, ce qu’on peut comprendre.
Des goujateries, donc, soigneusement gardées sous silence des décennies durant, mais pour lesquelles les intéressées demandent brusquement aujourd’hui répérations. Morales éventuellement, mais surtout sonnantes et trébuchantes autant que faire se peut, devine-t-on… et comme il est impossible de juger la bête après sa mort – comme c’est ballot – c’est donc ses collaborateurs et « tous ceux qui savaient » qui se retrouvent aujourd’hui dans le collimateur des inquisiteurs du Nouvel Ordre moral et peut-être bientôt dans celui d’une Justice sommée de se soumettre à leurs jugements, fussent-ils rétroactifs.
« Tous ceux qui savaient… », fort bien… mais les premières qui ont sû, ne sont-elles pas justement toutes celles qui, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, n’ont pas jugé opportun alors de calotter le malapris, ce qui lui aurait peut-être passé l’envie de recommencer et de faire d’autres « victimes » ? En déclenchant alors le scandale, son entourage aurait-il pu faire autrement que d’intervenir et, si nécessaire, l’obliger à se faire, pourquoi pas ! soigner, tel le premier excité de la braguette venu ?
N’ont-elles pas leur part, toute leur part et la plus grande part finalement de responsabilité dans les multiples dérapages de la Bébête à béret ?
D’ici à ce que de telles « victimes », ayant tant tardées à vouloir laver leur honneur, finissent par s’entre-dénoncer et s’entre-judiciariser, il n’y a qu’un pas… ou un ricanement, comme celui que pépère doit avoir, là où ses mains baladeuses reposent… ou ne se reposent peut-être toujours pas, qui sait !
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Source : synthesenationale