La scène se passe mercredi soir, dans l’émission « Place aux jeunes ! », sur LCI. Des champions « juniors » de chaque candidat à la présidentielle s'y affrontent. On peut être jeune et avoir déjà dans son sac une bonne collection de vieilles ficelles et de tours de passe-passe antédiluviens. Dans le genre collectionneur d'antiquités et notamment de punchlines du siècle dernier, Ambroise Méjean, représentant « jeune » de LREM. Il a choisi de reprendre la farce et attrape passablement vintage « radicalisation catholique ». On aimerait dire « très peu servi » comme dans les annonces du Bon Coin, mais la vérité force à dire qu’elle a, au contraire, rendu de très nombreux bons et loyaux services.
« Voir la droite républicaine ne pas être capable de condamner les dérives d’association catholiques radicalisées, c’est un problème. […] Les associations qui sont contre l’avortement et qui insultent généralement les femmes qui font des choix courageux. »
Ah, ces catholiques radicalisés qui insultent les femmes - c’est tellement leur style -, ils sont terrifiants. Brrr ! Un petit frisson parcourt l’échine. Personne n’est dupe, bien sûr, mais qu'importe, n'est-ce pas ? « Est-ce que je crois aux fantômes ? Non, mais j’en ai peur », disait Madame du Deffand.
« Pourriez-vous préciser de quelles associations catholiques vous parlez. Car cette imprécision ressemble à de la diffamation. Quant à l’IVG, on n’aurait plus le droit de s’y opposer. Quelle démocratie défendez-vous ? » l’interpelle, sur Twitter, l’abbé d’Artigue, prêtre toulousain. « On veut des noms, des faits et ensuite, éventuellement, on en débat », renchérit le père Danziec, de Valeurs actuelles.
Sans compter les twittos anonymes : « Une fois, j’ai entendu une catholique radicalisée dire “vous savez, si vous préférez le garder on vous aidera”. C’était d’une violence inouïe », ironise l’une. « À votre avis, pourquoi il y a des militaires devant les églises ? C’est pour nous protéger des catholiques radicalisés », continue l’autre.
La sortie ne serait, somme toute, que ridicule si, le même jour, quelques heures plus tôt, La Croix n’avait pas publié une enquête fracassante sur la nouvelle génération d’influenceurs musulmans de TikTok - un réseau social réputé parler aux jeunes, et que ne peut donc ignorer totalement Ambroise Méjean : « une audience considérable sur le réseau social TikTok avec des vidéos ultracourtes promouvant une approche rigoriste de l’islam ». Redazere, « sans conteste le premier influenceur religieux francophone de TikTok », avec 1,7 million d’abonnés, considère que « le port du voile est une obligation ». Mais aussi que « célébrer Noël, même sans y croire, de même que mettre un sapin chez soi, est proscrit. Au Nouvel An, l’influenceur recommande de ne pas faire le compte à rebours de minuit pour ne pas ressembler aux non-croyants, qu’il qualifie de koufar (mécréants) dans un commentaire. » Les experts contactés par La Croix « s’accordent à qualifier [ces influenceurs] de salafistes », mais ils véhiculeraient un « salafisme mainstream » sachant « adapter [leur] discours » suffisamment pour ne pas tomber sous le coup de la loi.
Oui, le psittacisme navrant droit sorti des années Mitterrand d'Ambroise Méjean - c’est fou comme, à LREM, on peut être en même temps jeune et boomer - ne mériterait rien d'autre qu'un haussement d'épaules, si quelques jours plus tôt un « Zone interdite » édifiant sur Roubaix ne nous avait pas montré la face cachée d’une vraie radicalisation religieuse en pleine expansion. Une radicalisation religieuse que pour minimiser, relativiser, neutraliser, on renvoie subtilement dès qu'on le peut dos à dos avec un pseudo-fondamentalisme catholique. Quand tout est radicalisme, plus rien n’est radicalisme.
Source : bvoltaire