“C’est un véhicule de combat pour les armées modernes, l’un des meilleurs du monde“, résume Stéphane Audrand. “Il combine les trois critères d’un char : mobilité, protection et puissance de feu. La conduite de tir est excellente. Le canon ne bouge pas, même en roulant à 50 km/h.” L’équipage n’est composé que de trois hommes, contre quatre pour les Abrams, grâce au chargeur automatique.
Un escadron (une compagnie) compte trois pelotons de quatre chars et d’un char de commandement, soit 13 blindés. Au-dessus, un bataillon compte lui trois compagnies et d’un char de commandement, soit 40 blindés. Reste à savoir combien de véhicules la France devrait livrer pour espérer soutenir efficacement l’Ukraine. Un escadron de Leclerc est aujourd’hui présent en Roumanie, à des fins de dissuasion. En Ukraine, une telle unité pourrait avoir vocation “à répondre à des objectifs très spécifiques, mais sans aucune capacité d’absorber d’éventuelles pertes”, imagine Stéphane Audrand (…)
Contrairement aux T-72 soviétiques, les chars occidentaux supposent “une formation de quatre à six mois” pour les effectifs concernés, insiste Stéphane Audrand. “Au vu de la pénurie de personnels ukrainiens, y compris de tankistes, est-ce que ça en vaut la peine ? Pour une quarantaine de chars, peut-être. Mais pour une douzaine ?” Pour être efficaces, les livraisons doivent être pensées à l’échelle du bataillon, selon lui. D’autant qu’un mélange des chars impose de dédoubler le soutien et la maintenance, afin de répondre aux caractéristiques respectives des blindés. Une opération complexe à gérer, voire contre-productive.
Reste que les chars Leclerc sont rares : 406 exemplaires ont été produits pour la France et 388 pour les Emirats arabes unis. Ce contrat s’était d’ailleurs terminé avec pertes et fracas pour le fabricant, Nexter. Des coups de rabot successifs ont ensuite entraîné une réduction du parc de chars Leclerc, aujourd’hui limité à 220 unités. La France ne produit plus aucun Leclerc depuis 2008. “Depuis 1990 et la chute des budgets de la défense, il ne reste à la France que 222 de ces chars, contre 1 500 chars lourds il y a vingt ou trente ans“, souligne sur franceinfo l’ancien colonel Peer de Jong, vice-président de l’institut de formation Themiis et spécialiste de géopolitique.
Par ailleurs, une première cinquantaine d’unités sont en cours de modernisation (de 2021 à 2024), dans le cadre du programme Scorpion des armées. Les 18 premières unités seront livrées en fin d’année, mais cette mise à jour réduit encore le nombre de blindés actuellement disponibles.
Le plus problématique, c’est qu’aucune solution de repli n’est prévue avant de longues années. Le projet franco-allemand MGCS, dont l’objectif est de remplacer les Leclerc et les Leopard 2, n’aboutira pas avant 2040, dans un scénario optimiste. A court terme, en résumé, les éventuels dons seront synonymes d’abandon (…)
Les 190 autres Leclerc, placés en “stockage longue durée”, ne sont plus opérationnels en l’état. “Ce parc est aujourd’hui à des niveaux divers de décrépitude, commente Stéphane Audrand. Et il est en voie de cannibalisation, pour réutiliser les pièces détachées. Il faudrait un effort industriel coûteux, sur plusieurs années, pour inverser la tendance”.
“Si la France veut conserver une composante blindée, elle ne donne pas ses Leclerc. Si elle veut faire pression sur l’Allemagne et faire un coup politique, elle peut en donner une douzaine et survivre. Mais si la France souhaite privilégier l’Ukraine, elle doit en donner 40 ou 50″, résume Stéphane Audrand.”
Source : lesalonbeige